CJUE, n° C-320/21, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Ryanair DAC contre Commission européenne, 26 janvier 2023

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 26 janv. 2023, C-320/21
Numéro(s) : C-320/21
Conclusions de l'avocat général M. G. Pitruzzella, présentées le 26 janvier 2023.#Ryanair DAC contre Commission européenne.#Pourvoi – Aide d’État – Article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE – Marché suédois du transport aérien – Aide accordée par le Royaume de Suède en faveur d’une compagnie aérienne dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État – Garantie publique portant sur une ligne de crédit renouvelable – Décision de la Commission européenne de ne pas soulever d’objections – Aide destinée à remédier aux dommages endurés par une seule victime – Principes de proportionnalité et de non-discrimination – Libertés d’établissement et de libre prestation de services.#Affaire C-320/21 P.
Date de dépôt : 21 mai 2021
Précédents jurisprudentiels : 14 Arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission ( C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, EU:C:2011:368
16 Voir arrêt du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission ( 730/79, EU:C:1980:209
18 C-73/03, non publié, EU:C:2004:711
19 Arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission ( C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, EU:C:2011:368
20 Arrêt du 23 février 2006, Atzeni e.a. ( C-346/03 et C-529/03, EU:C:2006:130
21 Arrêt du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission ( C-666/19 P, EU:C:2022:323
23 C-164/15 P et C-165/15 P, EU:C:2016:990
28 C-628/11, EU:C:2014:171
29 Arrêt du 27 octobre 2022, ADPA et Gesamtverband Autoteile-Handel ( C-390/21, EU:C:2022:837
30 Arrêt du 6 octobre 2022, Contship Italia ( C-433/21 et C-434/21, EU:C:2022:760
31 Voir arrêt du 15 juillet 2021, The Department for Communities in Northern Ireland ( C-709/20, EU:C:2021:602
32 Voir arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne ( C-591/17, EU:C:2019:504
33 Voir arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld ( C-181/19, EU:C:2020:794
34 Voir arrêt du 3 mars 2020, Tesco-Global Áruházak ( C-323/18, EU:C:2020:140
35 Voir arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne ( C-591/17, EU:C:2019:504
37 Voir arrêt du 11 juin 2020, TÜV Rheinland LGA Products et Allianz IARD ( C-581/18, EU:C:2020:453
39 Voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission ( C-885/19 P et C-898/19 P, EU:C:2022:859
41 Voir arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission ( C-51/19 P et C-64/19 P, EU:C:2021:793
42 Voir arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission ( C-51/19 P et C-64/19 P, EU:C:2021:793
50 Arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology ( C-57/19 P, EU:C:2021:663
51 Arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology ( C-57/19 P, EU:C:2021:663
52 C-431/07 P, EU:C:2009:223
53 Voir arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission ( C-431/07 P, EU:C:2009:223
54 Voir arrêt du 4 juillet 2007, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission ( T-475/04, EU:T:2007:196
56 Arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube ( C-891/19 P, EU:C:2022:38
7 T-379/20, EU:T:2021:195
C-51/19 P et C-64/19 P, EU:C:2021:51
CE, arrêt du 23 février 2006, Atzeni e.a. ( C-346/03 et C-529/03, EU:C:2006:130
Commission ( C-270/15 P, EU:C:2016:489
Commission/MOL ( C-15/14 P, EU:C:2015:362
Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology ( C-57/19 P, EU:C:2021:663
Cour d'annuler l' arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission ( SAS, Suède
COVID-19
Laboratoire Pareva/Commission ( C-702/21 P, non publié, EU:C:2022:870
Ryanair Designated Activity ( C-164/15 P et C-165/15 P, EU:C:2016:515
Solution : Pourvoi : rejet sur le fond, Pourvoi : rejet pour irrecevabilité, Recours en annulation
Identifiant CELEX : 62021CC0320
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2023:54
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 26 janvier 2023 ( 1 )

Affaire C-320/21 P

Ryanair DAC

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aides d’État – Article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE – Suède – COVID-19 – Garantie publique sur une ligne de crédit renouvelable – Décision de la Commission européenne de ne pas soulever d’objections »

I. Introduction

1.

Le 13 mars 2020, deux jours après que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait qualifié l’épidémie de COVID-19 de « pandémie », la Commission européenne a publié une communication ( 2 ) par laquelle elle souhaitait réagir immédiatement, par « une réponse européenne coordonnée », au choc économique majeur pour l’Union européenne causé par la crise sanitaire. Dans cette communication, la Commission a indiqué qu’elle utiliserait tous les instruments à sa disposition pour atténuer les conséquences de la pandémie et, en particulier, « pour permettre aux États membres d’agir de manière décisive et coordonnée, en utilisant toute la flexibilité de nos cadres instaurés [en matière d’]aides d’État et [de] pacte de stabilité et de croissance ». Elle a également souligné que la principale réponse budgétaire au coronavirus devrait provenir des budgets nationaux des États membres et que les règles en matière d’aides permettaient à ces derniers d’agir rapidement et efficacement pour aider les entreprises. Le 19 mars 2020, la Commission a adopté une communication établissant l’« encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » ( 3 ). Dans ce document, la Commission a recommandé notamment aux États membres de recourir à des dérogations spécifiques à l’interdiction des aides d’État prévues par le traité pour les situations de crise, telles que l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ( 4 ) et l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ( 5 ). Dans ce contexte, plusieurs États membres ont adopté des mesures d’aide envers des compagnies aériennes opérant sur leur territoire, sous la forme d’aides individuelles ou de régimes d’aides. Ces mesures, fondées, selon les cas, sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ou sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, ont été déclarées compatibles avec le marché intérieur par la Commission, sans ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, dans des délais particulièrement brefs. Le groupe Ryanair a attaqué une grande partie de ces décisions devant le Tribunal. À ce jour, ce dernier a rejeté tous les recours sauf trois, qu’il a accueillis pour insuffisance de motivation tout en maintenant les effets des décisions annulées ( 6 ). Huit pourvois introduits par le groupe Ryanair sont actuellement pendants devant la Cour.

2.

Par le pourvoi qui fait l’objet des présentes conclusions, Ryanair DAC (ci-après « Ryanair » ou la « requérante ») prie la Cour d’annuler l’arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (SAS, Suède ; COVID-19) ( 7 ) (ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel le Tribunal a rejeté son recours introduit en vertu de l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2020) 2784 final de la Commission, du 24 avril 2020 ( 8 ) (ci-après la « décision litigieuse »), relative à l’aide accordée par le Royaume de Suède à la compagnie aérienne SAS AB.

II. Les faits, la procédure devant le Tribunal, l’arrêt attaqué, la procédure devant la Cour et les conclusions des parties

3.

Les faits à la base du recours devant le Tribunal sont exposés comme suit aux points 1 à 3 de l’arrêt attaqué.

4.

Le 11 avril 2020, la Commission a autorisé, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, une mesure d’aide sous la forme d’un régime de garanties de prêts à certaines compagnies aériennes (ci-après le « régime d’aides suédois »), notifiée par le Royaume de Suède le 3 avril 2020 ( 9 ). Le 21 avril 2020, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le Royaume de Suède a notifié à la Commission une mesure d’aide sous la forme d’une garantie sur une ligne de crédit renouvelable d’un montant maximal de 1,5 milliard de couronnes suédoises (SEK) (environ 137 millions d’euros) en faveur de SAS, cette dernière rencontrant des difficultés pour obtenir des prêts auprès d’établissements de crédit dans le cadre du régime d’aides suédois (ci-après la « mesure litigieuse »). Cette mesure, destinée à indemniser partiellement SAS du dommage résultant de l’annulation ou du report de ses vols à la suite de l’introduction de restrictions de voyage dans le cadre de la pandémie de COVID-19, a été déclarée compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

5.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juin 2020, Ryanair a introduit un recours contre la décision litigieuse. La République française, le Royaume de Suède et SAS ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. À l’appui de son recours, Ryanair a soulevé cinq moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission aurait méconnu l’exigence selon laquelle les aides accordées au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne sont pas destinées à réparer les dommages subis par une seule victime, le deuxième, de ce que la mesure en cause ne serait pas fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et que la Commission aurait considéré à tort que la mesure en cause était proportionnée aux dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19, le troisième, de ce que la Commission aurait violé diverses dispositions relatives à la libéralisation du transport aérien à l’intérieur de l’Union, le quatrième, de ce que la Commission aurait violé les droits procéduraux de Ryanair en refusant d’ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit de difficultés sérieuses et, le cinquième, de ce que la Commission aurait violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté tous les moyens soulevés par Ryanair et le recours dans son ensemble, a condamné Ryanair à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et a jugé que la République française, le Royaume de Suède et SAS supporteraient leurs propres dépens.

6.

Par acte déposé au greffe de la Cour le 21 mai 2021, Ryanair a introduit le pourvoi qui fait l’objet des présentes conclusions. Le 14 septembre 2022 a eu lieu une audience, commune avec l’affaire C-321/21, Ryanair/Commission ( 10 ), relative à une mesure analogue à la mesure litigieuse, accordée à SAS par le Royaume de Danemark, au cours de laquelle Ryanair, SAS, le Royaume de Suède et la République française ainsi que la Commission ont exposé leurs observations orales.

7.

Ryanair prie la Cour, à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué, d’annuler la décision litigieuse et de condamner la Commission aux dépens et, à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour réexamen et de réserver les dépens de la première instance et du pourvoi. La Commission prie la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens. SAS prie la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Ryanair aux dépens. Le Royaume de Suède et la République française prient la Cour de rejeter le pourvoi.

III. Sur le pourvoi

8.

À l’appui de son pourvoi, Ryanair soulève six moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit commise par le Tribunal en rejetant l’argument de la requérante selon lequel les aides accordées sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne visent pas à réparer les dommages subis par une seule victime, le deuxième, d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits dans l’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et du principe de proportionnalité en ce qui concerne les dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19, le troisième, d’une erreur de droit commise par le Tribunal en rejetant l’argument de Ryanair tiré d’une violation du principe de non-discrimination, le quatrième, d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits commises par le Tribunal en rejetant l’argument de Ryanair relatif à une violation du droit d’établissement et de la libre prestation des services, le cinquième, d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits pour ce qui concerne l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen et, le sixième, d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits pour ce qui concerne l’existence d’un défaut de motivation.

A. Sur le premier moyen du pourvoi

9.

Par son premier moyen, dirigé contre les points 22 à 27 de l’arrêt attaqué, la requérante reproche au Tribunal d’avoir interprété de manière erronée l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, en considérant que cette disposition autorise les États membres à adopter des mesures d’aide individuelles.

10.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argument analogue soulevé par Ryanair en première instance sur la base d’un double raisonnement. D’une part, il a souligné, aux points 22 et 23 de l’arrêt attaqué, qu’il n’existe aucune obligation pour les États membres d’accorder des aides destinées à remédier aux dommages causés par un événement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. D’autre part, il a précisé, au point 24 de cet arrêt, qu’une aide peut être destinée à remédier aux dommages causés par un événement extraordinaire, conformément à cette disposition, indépendamment du fait qu’elle ne remédie pas à l’intégralité de ces dommages. Il en a conclu, au point 25 dudit arrêt, que, les États membres n’étant pas tenus de remédier à tous les dommages causés par un événement extraordinaire, ils ne sont pas non plus tenus d’accorder des aides à toutes les victimes de ces dommages.

11.

La requérante soutient qu’aucun des deux motifs sur lesquels se fonde l’arrêt attaqué ne répond au grief avancé dans le cadre du premier moyen de son recours. La question à la base de ce grief ne serait en effet pas de savoir si la Suède aurait dû accorder plus d’aides ou si elle était tenue de remédier à l’intégralité des dommages causés par la pandémie, mais plutôt de savoir si un État membre peut prendre une mesure de soutien au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE envers une seule entreprise, choisie arbitrairement, à l’exclusion de toutes les autres entreprises opérant sur le même marché. Ryanair souligne qu’il découle de la lettre et de l’esprit de cette disposition qu’elle doit être lue comme n’autorisant que des régimes d’aides et non des mesures individuelles. En effet, lorsque l’État membre concerné intervient en faveur d’une seule entreprise, la logique purement réparatrice de cette disposition est altérée et la poursuite d’objectifs de politique générale étrangers à cette logique, qui exigent une autre base juridique pour justifier l’aide, serait autorisée. Dans une telle situation, le lien direct entre la calamité naturelle ou l’événement extraordinaire, le dommage subi et l’aide accordée, qui serait une condition d’application de ladite disposition, serait affaibli. Ryanair fait valoir que la lecture de la même disposition qu’elle suggère a été adoptée par la Commission dans sa pratique décisionnelle antérieure à la pandémie de COVID-19, dans la liste de contrôle pour les États membres sur les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ( 11 ) et dans le modèle de notification en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ( 12 ), textes qui concernent exclusivement des régimes d’aides.

12.

Je rappelle que le libellé de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE précise que sont compatibles avec le marché intérieur « les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ». Selon la jurisprudence constante, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur consacré à l’article 107, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous b), TFUE, cette dérogation doit faire l’objet d’une interprétation stricte ( 13 ). En conséquence, seuls peuvent être compensés, en vertu de cette disposition, les désavantages causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ( 14 ).

13.

Un État membre peut-il adopter une mesure d’aide individuelle en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ( 15 ) lorsque l’ensemble du secteur de l’économie dans lequel opère l’entreprise bénéficiaire, en régime de concurrence avec d’autres entreprises, a été affecté par l’événement qui a justifié l’intervention étatique et, dans l’affirmative, à quelles conditions ?

14.

Telle est, en substance, la question de droit au cœur du grief soulevé par Ryanair devant le Tribunal, à laquelle ce dernier a répondu par l’affirmative, en utilisant un raisonnement que, pour simplifier, l’on peut résumer de la manière suivante. Puisqu’un État membre peut décider, d’une part, s’il accorde des mesures d’indemnisation en vertu de la disposition susmentionnée et, d’autre part, dans quelle mesure il indemnise les entreprises préjudiciées, il peut également décider s’il procède en instaurant un régime d’aides ou s’il intervient en faveur d’une seule entreprise. La seule limite à cette liberté accordée aux États membres serait, ainsi qu’il ressort des points 22 à 27 de l’arrêt attaqué, le respect des conditions tenant à l’existence d’un événement pouvant être qualifié de « calamité naturelle » ou d’« événement extraordinaire » au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, à l’existence d’un lien de causalité entre cet événement et le dommage réparé ainsi qu’à l’absence de surcompensation. Ce raisonnement a nécessairement pour corollaire la reconnaissance à l’État membre d’un entier pouvoir discrétionnaire dans le choix de l’entreprise bénéficiaire, s’il décide d’accorder une aide individuelle.

15.

Je dirai d’emblée que, à mon avis, Ryanair a raison en ce qu’elle soutient qu’aucun des deux arguments qui fondent le rejet du premier moyen de son recours, pris isolément ou conjointement, n’est pertinent au regard du grief qu’elle a avancé en première instance. La motivation figurant aux points 22 à 24 de l’arrêt attaqué est, à mon avis, entachée d’un saut logique. L’absence d’obligation pour les États membres d’adopter des mesures de soutien au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et, si de telles mesures sont adoptées, de faire en sorte que ces mesures remédient à la totalité des dommages ne signifie en effet pas logiquement (et en tout cas pas nécessairement) que cette disposition puisse servir de base juridique pour adopter des aides limitées à une seule entreprise alors que toutes les entreprises opérant sur le marché en cause ont été affectées.

16.

Il n’en demeure pas moins que, à mon avis, le Tribunal a conclu à bon droit que l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE autorise de telles aides. En effet, rien dans la lettre ou l’esprit de cette disposition ne permet de les exclure du champ d’application de cette disposition. Si l’adoption de régimes d’intervention au soutien de l’ensemble des opérateurs du secteur préjudicié apparaît certainement l’instrument le plus approprié à la fonction que ladite disposition poursuit, qui est de permettre aux États membres de remédier au dysfonctionnement du marché causé par la survenue de certains événements dommageables, cette seule constatation ne permet pas d’exclure que l’État membre concerné puisse intervenir aussi par des mesures visant à indemniser un seul de ces opérateurs.

17.

Toutefois, pour que la distorsion de concurrence à laquelle ces mesures donnent lieu soit acceptable et qu’elles puissent être jugées compatibles avec le marché intérieur en vertu de la dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, il ne suffit pas, à mon avis, qu’elles remplissent les trois conditions de l’application de cette disposition, à savoir la nature particulière de l’événement, le lien de causalité entre celui-ci et les dommages ainsi que l’absence de surcompensation, mais il faut encore que la sélection du bénéficiaire corresponde à la fonction de cette dérogation, telle qu’elle est indiquée au point 16 des présentes conclusions et qu’elle ne soit pas arbitraire ou dictée par la seule volonté de favoriser une entreprise sur ses concurrentes, en particulier lorsqu’il s’agit d’une entreprise qui se trouvait déjà en difficulté avant la survenue de l’événement en question ou d’une entreprise inefficace. En effet, le champ d’application de ladite disposition doit rester limité aux cas qui correspondent à la logique sous-tendant la même disposition, non seulement parce que la nécessité d’interpréter restrictivement les exceptions au principe d’interdiction des aides énoncé au premier paragraphe de cet article l’impose, mais aussi parce que la dérogation qu’elle prévoit opère de jure et exclut donc l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par la Commission ( 16 ). Cela étant dit, contrairement à ce que semble considérer Ryanair, la logique réparatrice de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE n’exclut pas que le choix du bénéficiaire d’une mesure adoptée dans les circonstances précédemment décrites puisse être dicté par des objectifs spécifiques, tenant à l’activité économique exercée par l’opérateur ou à ses caractéristiques particulières, tels que, par exemple, soutenir une entreprise qui, en temps normal, assure un service d’intérêt public général ou une entreprise essentielle en matière d’emploi et donc de stabilité sociale, autant d’objectifs qui correspondent à la fonction de l’instrument d’intervention mis à la disposition des États membres pour remédier aux conséquences des événements envisagés par cette disposition et qui, dans un contexte de crise comme celui engendré par la pandémie de COVID-19, revêtent une importance plus grande encore.

18.

Pour ces raisons, la motivation figurant aux points 22 à 27 de l’arrêt attaqué, qui met l’accent exclusivement sur la marge de manœuvre des États membres, ne me convainc pas. Toutefois, dans la mesure où la conclusion figurant au point 27 de cet arrêt est correcte et que les raisons justifiant le choix de SAS comme bénéficiaire de la mesure litigieuse ressortent de l’examen de la proportionnalité de cette mesure, effectué par le Tribunal, je suggère à la Cour de rejeter le premier moyen du pourvoi et de compléter les motifs de l’arrêt attaqué, au soutien de cette conclusion, dans le sens précédemment exposé.

B. Sur le deuxième moyen du pourvoi

19.

Dans le cadre de son deuxième moyen, Ryanair soulève huit griefs distincts par lesquels elle conteste le rejet du deuxième moyen de son recours par le Tribunal. Plus précisément, le premier de ces griefs est dirigé contre les points 31 à 36 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a examiné et rejeté la première branche de ce moyen visant à contester que la mesure litigieuse soit fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Les sept griefs restants sont dirigés contre les points 39 à 66 de cet arrêt, dans lesquels le Tribunal a examiné et rejeté la seconde branche dudit moyen, visant à contester la proportionnalité de la mesure litigieuse aux dommages subis par SAS.

1. Sur le premier grief

20.

Par le premier grief de son deuxième moyen, Ryanair reproche au Tribunal d’avoir considéré que l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE était une base juridique valable pour autoriser la mesure litigieuse, qui a un caractère subsidiaire par rapport au régime d’aides suédois autorisé précédemment sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ( 17 ). Elle estime que la conclusion figurant au point 34 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le traité FUE ne s’oppose pas à l’application concomitante de l’article 107, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 3, sous b), TFUE, pour autant que les conditions de chacune de ces deux dispositions soient réunies, notamment lorsque les faits et les circonstances qui donnent lieu à une perturbation grave de l’économie au sens de cette dernière disposition résultent d’un événement extraordinaire, est contraire tant à l’exigence d’interprétation stricte de la dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE qu’à la condition d’application de cette dérogation tenant à l’existence d’un lien direct entre le dommage et l’aide. L’interprétation du Tribunal aurait pour résultat de fusionner les deux dispositions en un seul « régime de crise », au sein duquel on pourrait recourir de manière interchangeable à l’une ou l’autre base juridique et le respect des conditions d’application de chaque disposition serait nécessairement allégé.

21.

Je relève, à titre liminaire, que, en l’espèce, il n’est pas question d’application cumulative aux mêmes bénéficiaires de mesures prises sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 3, sous b), TFUE. Il ressort en effet clairement des considérants 4 à 6 de la décision litigieuse, d’une part, que les autorités suédoises ont décidé de recourir à des mesures d’aide individuelles en vertu de la première de ces dispositions après que la détérioration continue de la situation financière des compagnies aériennes avait révélé la difficulté de certaines de ces compagnies à accéder au crédit dans les conditions prévues par la décision autorisant le régime d’aides suédois et, d’autre part, que seules les compagnies aériennes bénéficiaires potentielles de ce régime qui connaissaient de telles difficultés pourraient accéder à ces mesures. Lorsque, au point 34 de l’arrêt attaqué, le Tribunal mentionne l’application concomitante de l’article 107, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 3, sous b), TFUE, il indique donc uniquement la possibilité que, pour remédier aux dommages causés sur le marché par un même événement extraordinaire, un État membre fasse usage simultanément des deux instruments offerts par ces dispositions.

22.

Cela étant clarifié, je ne vois aucun obstacle à reconnaître la possibilité d’une telle application concomitante, y compris dans les circonstances particulières de l’espèce, où il existe un lien certain entre les deux mesures susmentionnées, tant du point de vue des personnes bénéficiaires que du type d’intervention envisagé. Les arguments en sens contraire avancés par Ryanair ne me paraissent pas concluants. En effet, d’une part, si la mesure prise au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE remplit toutes les conditions d’application de la dérogation prévue par cette disposition, telles que précisées précédemment, la question d’une application extensive de cette dérogation ne se pose pas, même si cette mesure concourt, avec d’autres, à définir les contours de l’intervention étatique en réponse à une situation de crise due à la survenue d’un événement extraordinaire. D’autre part, même s’il fallait admettre que la mesure litigieuse poursuivait aussi, en même temps que la fonction réparatrice propre à l’instrument prévu à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, l’objectif énoncé à l’article 107, paragraphe 3, sous b), in fine, TFUE – objectif qui est d’ailleurs conforme à l’esprit de cet instrument –, je ne vois pas en quoi cela pourrait contribuer à relâcher le lien qui, en vertu de la première de ces dispositions, doit nécessairement exister entre le préjudice et l’aide.

23.

Pour les raisons exposées aux points précédents des présentes conclusions, je suggère à la Cour de rejeter le premier grief du deuxième moyen du pourvoi comme non fondé.

2. Sur le deuxième grief

24.

Par le deuxième grief du deuxième moyen du pourvoi, Ryanair fait valoir que, au point 40 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait interprété de manière erronée l’arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission ( 18 ), cité à ce point, en introduisant dans l’appréciation du risque de surcompensation un « critère de probabilité » (« likelyhood test ») qui ne figure pas dans cet arrêt. Selon la requérante, lorsque la mesure est destinée à couvrir des dommages futurs, comme en l’espèce, doivent être considérées comme incompatibles avec le marché intérieur toutes les aides qui pourraient être supérieures aux pertes, indépendamment du degré de probabilité qu’une surcompensation se produise. L’instauration d’un mécanisme de recouvrement des aides versées en excédent ne suffirait pas pour éviter que soit conféré à l’entreprise bénéficiaire un avantage indu, fût-il temporaire.

25.

Selon moi, ce grief doit être rejeté. En premier lieu, l’argument de la requérante, de nature essentiellement sémantique, repose, à mon avis, sur une compréhension erronée du sens à donner aux termes employés par le Tribunal. Certes, dans la version en langue anglaise du point 40 de l’arrêt attaqué, la seule faisant foi, le Tribunal emploie l’expression « likely to », qui traduit une idée de probabilité. Toutefois, à mon avis, il ressort clairement tant du libellé de ce point que du contexte dans lequel il s’inscrit, ainsi que de l’ensemble des motifs de l’arrêt attaqué relatifs à l’analyse de la seconde branche du deuxième moyen du recours, que le Tribunal n’a nullement entendu introduire un critère de probabilité du risque de surcompensation et encore moins l’ériger en critère de délimitation du champ d’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. En second lieu, je relève que les points 40 et 41 de l’arrêt Espagne/Commission, rappelés par le Tribunal, concernent la preuve de l’existence d’un lien direct entre les pertes prétendument subies par les bénéficiaires de la mesure et l’aide accordée, preuve qui doit être apportée en produisant des données comparatives entre la valeur des premières et le montant de la seconde, et non l’appréciation de l’existence d’un risque de surcompensation, qui constitue une étape postérieure à celle de l’établissement de ce lien. Le Tribunal n’aurait donc pas logiquement pu déduire de ces points l’application d’un critère visant à déterminer le degré de probabilité que les aides projetées dépassent les dommages subis afin d’écarter l’application de cette disposition. Il me semble que l’intention du Tribunal était plutôt de mettre l’accent sur la nécessité de soustraire au champ d’application de ladite disposition les mesures pour lesquelles il n’est pas possible d’établir l’existence d’un lien entre la valeur du préjudice subi et le montant de l’aide, de nature à exclure la possibilité d’une surcompensation.

26.

En tout état de cause, même si l’on voulait interpréter le point 40 de l’arrêt attaqué dans le sens voulu par Ryanair, force est de constater que, dans son analyse de la mesure litigieuse, figurant aux points 45 à 57 de cet arrêt, le Tribunal a conclu, d’une part, que, compte tenu du caractère évolutif de l’événement extraordinaire que constitue la pandémie de COVID-19 ainsi que du caractère nécessairement prospectif de la quantification du dommage causé et du montant de l’aide accordée, la Commission avait présenté avec suffisamment de précision, dans la décision litigieuse, une méthode de calcul visant à évaluer les dommages subis par SAS et à éviter des paiements excédant la valeur de ceux-ci et, d’autre part, que Ryanair n’avait pas rapporté la preuve que cette méthode de calcul entraînerait une surcompensation de ces dommages. Par ailleurs, au point 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, en tout état de cause, la Commission avait estimé que les dommages subis par SAS seraient dans tous les cas supérieurs au montant garanti par la mesure litigieuse et que Ryanair n’avait pas apporté d’éléments de nature à remettre en cause cette appréciation. Contrairement à ce que semble considérer Ryanair, ces conclusions n’impliquent nullement le constat qu’une surcompensation, sans être probable, serait possible, le Tribunal ayant au contraire exclu radicalement l’existence d’un risque que les versements excèdent les dommages subis par SAS.

3. Sur les troisième, quatrième et cinquième griefs

27.

Par ses troisième, quatrième et cinquième griefs, que j’examinerai conjointement, Ryanair fait valoir plusieurs erreurs de droit et une dénaturation manifeste des faits et des preuves qu’aurait commises le Tribunal aux points 46 à 50 de l’arrêt attaqué. Dans ces points, le Tribunal, en premier lieu, a conclu que, « eu égard aux circonstances de l’espèce caractérisées par l’événement extraordinaire, au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, que constitue la pandémie de COVID-19, à son caractère évolutif et au caractère nécessairement prospectif de la quantification du dommage causé et du montant de l’aide finalement octroyée, la Commission a[urait] présenté avec suffisamment de précision, dans la décision litigieuse, une méthode de calcul visant à l’évaluation du dommage subi par SAS » (considérant 46), en deuxième lieu, a constaté que la requérante n’avait apporté aucun élément de nature à établir que la méthode de calcul, telle que définie dans la décision litigieuse, permettrait le versement d’une aide d’État supérieure au dommage réellement subi par SAS (points 47 et 48) et, en troisième lieu, a relevé que, bien que la méthode définie par la Commission ne permette pas d’éviter complètement que l’évaluation de ce dommage inclue aussi les conséquences de décisions prises par SAS sans lien direct avec la pandémie de COVID-19, la requérante n’avait apporté aucun élément pouvant établir que, en l’absence de cette pandémie, les recettes de SAS auraient probablement baissé au cours de la période allant du mois de mars 2020 au mois de février 2021 par rapport à la période allant du mois de mars 2019 au mois de février 2020 (point 49).

28.

Par le troisième grief de son deuxième moyen, Ryanair fait valoir que, si la décision par laquelle la Commission autorise une aide au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne définit pas correctement une méthode de calcul des dommages à compenser, il n’existe pas de garantie d’absence de surcompensation, et un mécanisme d’évaluation ex post se substitue à l’appréciation ex ante qui doit être effectuée par la Commission. En l’espèce, le risque de surcompensation serait particulièrement élevé et l’aide autorisée par la Commission serait un chèque en blanc donné à SAS pour plus d’un an, c’est-à-dire jusqu’au premier rapport sur les pertes réelles que le Royaume de Suède devait présenter au mois de juin 2021.

29.

Par le quatrième grief de son deuxième moyen, Ryanair soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en faisant peser systématiquement la charge de la preuve sur la requérante, alors que, en matière d’aides, il incombe à la Commission de démontrer la compatibilité de l’aide. En tout état de cause, elle aurait porté devant le Tribunal des éléments suffisants pour prouver l’existence d’un risque de surcompensation en l’espèce.

30.

Enfin, par le cinquième grief de son deuxième moyen, Ryanair reproche au Tribunal de ne pas avoir tiré les conséquences qui s’imposaient de la constatation, figurant au point 49 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la méthode définie par la Commission ne permettait pas d’éviter complètement que l’évaluation des dommages inclue aussi les conséquences de décisions prises par SAS sans lien direct avec la pandémie de COVID-19, en imposant à la requérante de fournir un scénario contrefactuel, charge dont il serait impossible de s’acquitter.

31.

Je rappelle que, conformément à la jurisprudence constante, seuls peuvent être compensés, en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, les désavantages causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ( 19 ). Il s’ensuit qu’un lien direct entre les dommages causés par l’événement extraordinaire et l’aide d’État doit exister et qu’une évaluation aussi précise que possible des dommages subis par les bénéficiaires de celle-ci est nécessaire ( 20 ). Lorsque ces pertes ne sont pas encore complètement et exactement quantifiables, en raison, par exemple, du caractère ponctuel, mais durable et évolutif, de l’événement extraordinaire en question, la Commission doit adopter une analyse nécessairement prospective, basée sur une méthode de calcul qui soit à la fois flexible, de manière à s’adapter à l’évolution de la situation, et suffisamment précise et fiable pour permettre d’exclure le risque de surcompensation. En outre, l’application dans le temps de cette méthode de calcul doit pouvoir rester constamment et pleinement sous le contrôle de la Commission.

32.

Il ressort de la décision litigieuse que la mesure litigieuse visait à indemniser partiellement SAS des dommages résultant de l’annulation ou du report de ses vols à la suite de l’introduction de restrictions de voyage dans le contexte de la pandémie de COVID-19 (voir considérants 9 et 61 de la décision litigieuse). Dans l’appréciation de la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché intérieur, la Commission a précisé que, puisque la crise générée par cette pandémie était en cours, les autorités suédoises n’étaient pas encore en mesure de quantifier avec précision le dommage subi par SAS, ni le montant de l’aide (considérants 64 et 68 de cette décision). Le dommage devait par conséquent être estimé sur la base d’une « méthodologie générale », dont les critères sont exposés au considérant 65 de ladite décision. Ce dommage consistait en la « perte de valeur ajoutée », correspondant à la perte de recettes, corrigée par la marge bénéficiaire de SAS, moins les coûts évités. La perte de recettes était constituée par la différence entre les recettes attendues en l’absence de la pandémie, calculées sur la base des recettes de la période comprise entre le mois de mars 2019 et le mois de février 2020, immédiatement avant l’apparition de la pandémie, et celles générées au cours de la période couverte par la crise, comprise entre le mois de mars 2020 et le mois de février 2021. Les coûts évités étaient les coûts auxquels SAS aurait dû faire face si son activité n’avait pas été affectée par la pandémie (par exemple les coûts de carburant ou les taxes aéroportuaires). La méthode générale décrite ci-dessus devait être complétée par une « méthodologie détaillée » que les autorités suédoises s’étaient engagées à communiquer à la Commission au plus tard le 31 décembre 2020, pour approbation préalable par cette dernière. La quantification exacte du dommage subi par SAS ne serait effectuée qu’ensuite, par une entité indépendante. À cet égard, les autorités suédoises s’étaient engagées à transmettre à la Commission, au plus tard le 30 juin 2021, une évaluation ex post de ce dommage et une indication du montant de l’aide garantie. Elles s’étaient également engagées à recouvrer toute surcompensation qui apparaîtrait de l’évaluation ex post du dommage (voir considérant 38 de la décision litigieuse). La Commission a également procédé à une évaluation provisoire du dommage subi par SAS, calculé en fonction d’une baisse du trafic aérien comprise entre 50 et 60 % pour la période allant du mois de mars 2020 au mois de février 2021 par rapport à la période allant du mois de mars 2019 au mois de février 2020 (voir considérant 66 de la décision litigieuse). La Commission a considéré que ce dommage, évalué à un montant compris entre 5 et 15 milliards de SEK, était, en tout état de cause, supérieur au montant total de l’aide (voir considérant 68 de la décision litigieuse).

33.

Or, les circonstances mises en exergue au point 46 de l’arrêt attaqué, que la requérante ne conteste pas, tenant, notamment, au caractère évolutif de l’événement extraordinaire que constitue la pandémie de COVID-19, ainsi qu’au caractère soudain et généralisé de la crise et à la nécessité d’adopter rapidement des mesures d’intervention au soutien des secteurs les plus touchés, tels que, notamment, le secteur de l’aviation, justifient amplement, à mon avis, la manière de procéder par étapes successives adoptée par la Commission, consistant à fixer les critères de base de la méthode de calcul du dommage subi par SAS et à évaluer provisoirement son montant de manière à exclure a priori l’existence d’un risque concret de surcompensation, en renvoyant à plus tard la quantification précise de ce dommage.

34.

Dans ce contexte, le seul fait que la Commission ait accepté de déléguer aux autorités suédoises la fixation des éléments de détail des modalités de calcul appliquées aux fins de cette quantification ne permet pas, à mon sens, au vu de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce et de la différence entre le montant du dommage à réparer, tel qu’il a été provisoirement évalué, et le montant maximal de l’aide, de conclure que cette institution se serait, comme le soutient Ryanair, soustraite à son obligation d’apprécier la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché intérieur. À cet égard, ainsi que l’ont relevé à juste titre la République française et la Commission, la méthode de détail que les autorités suédoises s’étaient engagées à transmettre à la Commission devait être soumise à l’autorisation préalable de cette dernière, qui avait donc la possibilité de vérifier la conformité de cette méthode à la « méthodologie générale » contenue dans la décision litigieuse et, le cas échéant, d’en modifier des éléments, ainsi que de surveiller l’application concrète de la mesure, en évaluant à nouveau le risque de surcompensation. Contrairement à ce que soutient Ryanair, il n’y a donc, à mon avis, aucune contradiction entre l’affirmation figurant au point 46 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission aurait défini dans la décision litigieuse une méthode de calcul suffisamment précise du montant du dommage subi par SAS et le considérant 35 de cette décision, dans lequel la Commission prend acte de l’engagement du Royaume de Suède à lui soumettre, pour le 31 décembre 2020, la méthode utilisée pour quantifier ce dommage. En outre, compte tenu, d’une part, de cet engagement et, d’autre part, de la quantification provisoire dudit dommage effectuée par la Commission, dont il ressortait que la valeur de ce dommage serait en tout état de cause supérieure au montant maximal de la garantie octroyée par les autorités suédoises à SAS, l’affirmation de Ryanair selon laquelle la décision litigieuse autorisait en substance un chèque en blanc en faveur de SAS jusqu’au 30 juin 2021, date de la première évaluation ex post du dommage subi par SAS, est dénuée de fondement.

35.

Au vu de ce qui précède, j’estime que le troisième grief du deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté comme non fondé.

36.

Il y a également lieu, selon moi, de rejeter comme irrecevable le quatrième grief du même moyen, par lequel Ryanair reproche au Tribunal d’avoir procédé à un renversement de la charge de la preuve. À cet égard, je rappelle que, d’une part, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la méthode de calcul définie par la Commission, combinée avec les engagements pris par le Royaume de Suède et à la lumière de la quantification provisoire des pertes subies par SAS du fait de la pandémie, permettait une évaluation aussi précise que possible du dommage que la mesure litigieuse devrait réparer, compte tenu des circonstances dans lesquelles cette mesure avait été notifiée et approuvée. D’autre part, aux points 47 à 49 de cet arrêt, le Tribunal a rejeté comme insuffisamment circonstanciés ou inopérants les arguments soulevés par Ryanair pour contester que cette méthode de calcul permette d’exclure une surcompensation dans les faits. Dans ces conditions, par ce grief, la requérante conteste, en réalité, l’appréciation contenue dans l’arrêt attaqué quant à la pertinence et au caractère suffisant des arguments et des éléments de preuve qu’elle avait avancés, afin de remettre en cause la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu quant au point de savoir si les éléments contenus dans la décision litigieuse permettaient d’exclure un risque de surcompensation et, plus généralement, quant à la validité de l’appréciation de la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché intérieur émise par la Commission. Or, si Ryanair invoque une dénaturation des éléments de preuve, elle n’indique toutefois ni quels éléments le Tribunal aurait dénaturés ni la manière dont il les aurait dénaturés, mais se borne en substance à réitérer les mêmes arguments que ceux exposés aux points 55 à 60 de la requête devant le Tribunal. Ceux-ci, à l’exception du point 58 qui contient seulement une énumération des éléments que la Commission aurait omis d’identifier ou de justifier avec suffisamment de précision dans la décision litigieuse, se bornent à renvoyer à la jurisprudence sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ou à la pratique d’application de cette disposition développée par la Commission. Le quatrième grief ne répond donc pas aux conditions de recevabilité résultant de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, tels qu’interprétés par la jurisprudence ( 21 ).

37.

S’agissant, enfin, du cinquième grief, dans lequel Ryanair invoque une erreur de droit au point 49 de l’arrêt attaqué, ce point doit également être lu à la lumière de la constatation, figurant aux points 45 et 46 de cet arrêt, selon laquelle la méthode de calcul du dommage subi par SAS exposée par la Commission, compte tenu de l’ensemble des engagements pris par les autorités suédoises et eu égard aux circonstances particulières liées à la pandémie de COVID-19, satisfaisait aux critères de précision dictés par la jurisprudence et donnait suffisamment de garanties d’absence de surcompensation. Ce grief doit donc également être rejeté comme non fondé.

4. Sur le sixième grief

38.

Par le sixième grief du deuxième moyen du pourvoi, dirigé contre le point 51 de l’arrêt attaqué, la requérante invoque une erreur de droit commise par le Tribunal en rejetant, par simple renvoi au point 25 de cet arrêt, l’argument développé dans le cadre du deuxième moyen de son recours, selon lequel, dans la décision litigieuse, la Commission aurait dû tenir compte du dommage subi par les autres compagnies aériennes en Suède. La requérante soutient que, dans des circonstances telles que celles de la présente affaire, le principe selon lequel l’aide doit être proportionnée au dommage impose que celui-ci soit évalué non seulement dans le chef du bénéficiaire de l’aide, mais aussi dans celui de ses concurrents et donc que, en l’espèce, il fallait procéder à une évaluation de l’incidence de la mesure litigieuse sur les autres compagnies aériennes. En tout état de cause, selon Ryanair, le Tribunal ne saurait affirmer, comme il l’a fait aux points 82 et 84 de l’arrêt attaqué, que la mesure litigieuse se justifie par le dommage plus important subi par SAS en raison de sa situation concurrentielle ni refuser de tenir compte de cette situation dans l’appréciation de la proportionnalité de l’aide au dommage.

39.

Il convient de relever que, au point 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu à un argument bien circonstancié soulevé par Ryanair dans la seconde branche du deuxième moyen de son recours. Par cet argument, développé en quelques lignes d’un seul point de la requête devant le Tribunal, Ryanair, après avoir constaté que la décision litigieuse ne contenait aucune évaluation du dommage subi par les autres compagnies aériennes opérant en Suède, se bornait à renvoyer à l’interprétation de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE qu’elle avait soutenue dans le cadre de son premier moyen, selon laquelle un événement extraordinaire au sens de cette disposition affecte, par définition, tous les opérateurs d’un secteur déterminé et non seulement l’un d’entre eux, en déduisant de cette interprétation que la Commission était tenue d’expliquer pourquoi seule SAS aurait subi un dommage du fait des restrictions liées à la pandémie de COVID-19. C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé qu’il suffisait, pour répondre à cet argument, de renvoyer à la motivation par laquelle, au point 25 de cet arrêt, il a rejeté, à juste titre selon moi, l’interprétation de ladite disposition sur laquelle se fondait Ryanair dans le cadre du premier moyen de son recours.

40.

Dans ces conditions, la requérante ne saurait non plus reprocher au Tribunal d’avoir commis, au point 51 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en refusant de tenir compte, dans son appréciation de la proportionnalité de la mesure litigieuse, de l’« incidence de l’aide sur les autres compagnies aériennes » et de la « situation concurrentielle » de SAS. En effet, d’une part, il ressort du point 39 des présentes conclusions que la requérante n’avait pas invoqué la nécessité de prendre en compte ces éléments dans le cadre de l’argumentation rejetée au point 51 de cet arrêt. D’autre part, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, ce point s’inscrit dans le cadre de l’examen fait par le Tribunal de la proportionnalité de la mesure litigieuse au dommage à réparer, qui vise uniquement à apprécier l’existence d’un risque de surcompensation, et non dans celui de l’examen du caractère nécessaire, approprié et proportionné de cette mesure à l’objectif poursuivi. Je relève toutefois que, dans le cadre du huitième grief du deuxième moyen du pourvoi, dirigé contre une autre partie des motifs dudit arrêt, Ryanair a soulevé une argumentation en partie similaire, qui sera analysée dans le cadre de l’examen de ce grief.

41.

Sur la base des considérations qui précèdent, j’estime que le sixième grief du deuxième moyen du pourvoi doit également être rejeté comme non fondé.

5. Sur le septième grief

42.

Par le septième grief du deuxième moyen du pourvoi, dirigé contre les points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, la requérante reproche en substance au Tribunal d’avoir jugé suffisant l’engagement des autorités suédoises à procéder à un recouvrement ex post de l’aide au cas où la mesure litigieuse, cumulée le cas échéant avec d’autres mesures, y compris celles octroyées par des autorités étrangères, excéderait le dommage effectivement subi par SAS. Ryanair estime que, dans l’appréciation de l’existence d’un risque de surcompensation, la Commission doit tenir compte de tous les éléments dont elle dispose au moment où elle adopte une décision au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. En l’espèce, la Commission aurait dû tenir compte, notamment, du régime d’aides déjà mis en place par le Royaume de Norvège ( 22 ), auquel SAS était éligible.

43.

Dans la mesure où Ryanair reproche au Tribunal de ne pas avoir constaté que la Commission n’aurait pas évalué l’éventuel cumul de la mesure litigieuse avec le régime d’aides susmentionné, le grief en question est manifestement non fondé. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort en effet des points 60 et 61 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que la Commission avait tenu compte de ce régime, tant en appréciant ex ante l’existence d’un risque réel de surcompensation qu’en s’assurant que soient mis en place des mécanismes de nature à garantir qu’une éventuelle surcompensation due au cumul de la mesure litigieuse avec d’autres mesures, dont ledit régime, serait éliminée ex post. Pour le reste, ce grief doit, à mon avis, être déclaré irrecevable. La requérante se borne, en effet, à réitérer les allégations avancées en première instance sans expliquer en quoi la conclusion figurant au point 61 de l’arrêt attaqué serait entachée d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation ni préciser de quelle manière la Commission aurait dû tenir compte du régime d’aides norvégien. Si l’on considérait cependant que les allégations de Ryanair sont recevables et doivent être entendues en ce sens que cette dernière soutient que le Tribunal aurait dû conclure que la mesure litigieuse avait été erronément déclarée compatible avec le marché intérieur malgré le risque de surcompensation dû à la possibilité que SAS bénéficie du régime d’aides norvégien, je suis d’accord avec la Commission pour considérer que cet argument devrait être rejeté et que le Tribunal a jugé approprié et suffisant, dans de telles circonstances, caractérisées par une incertitude quant à l’accès futur de SAS à ce régime, l’engagement des autorités suédoises à recouvrer ex post l’aide qui aurait été versée en excédent à cause du cumul de la mesure litigieuse avec d’autres mesures.

44.

Il résulte de ce qui précède que, à mon avis, le septième grief du deuxième moyen du pourvoi doit également être rejeté comme en partie non fondé et en partie irrecevable.

6. Sur le huitième grief

45.

Le huitième grief du deuxième moyen du pourvoi est dirigé contre les points 62 à 64 de l’arrêt attaqué. Dans ces points, le Tribunal a rejeté l’argument, soulevé par Ryanair dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen de son recours, par lequel la requérante faisait valoir que, dans son appréciation de la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché intérieur, la Commission aurait dû tenir compte, parmi les éléments de la comparaison entre le dommage et la compensation, qui doit être effectuée au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, de l’avantage concurrentiel résultant pour SAS du caractère discriminatoire de cette mesure. En particulier, au point 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, renvoyant par analogie à l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity ( 23 ) (ci-après l’« arrêt Aer Lingus »), a relevé que, « aux fins de l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, l’avantage procuré par cette aide à son bénéficiaire n’inclut pas l’éventuel bénéfice économique réalisé par celui-ci par l’exploitation de cet avantage ».

46.

La requérante soutient devant la Cour que la prise en compte de l’avantage concurrentiel décrit au point précédent des présentes conclusions est « essentielle » pour déterminer « si le régime d’aides ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre son objectif déclaré ». Elle conteste également la pertinence de l’arrêt Aer Lingus, qui concernait la détermination du montant d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur aux fins de son recouvrement et non la comparaison entre l’avantage garanti par l’aide et le dommage causé directement par un événement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

47.

Je relève, à titre liminaire, qu’une partie de l’argumentation développée par Ryanair dans le cadre du présent grief soulève une question de droit différente, selon moi, de celle avancée dans le grief correspondant soulevé devant le Tribunal. En effet, alors que, dans son recours en première instance, la requérante s’est bornée à faire valoir que l’absence de prise en compte de l’avantage concurrentiel résultant du fait que SAS est la seule compagnie aérienne à avoir bénéficié d’une aide au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE a empêché une comparaison correcte entre le dommage et l’indemnisation ( 24 ), dans son pourvoi, elle a, pour la première fois, mis cette omission en relation avec l’appréciation de la proportionnalité de la mesure litigieuse à l’objectif poursuivi. Or, à supposer que, en avançant cet argument, Ryanair ait entendu invoquer l’absence d’appréciation des effets de la mesure litigieuse sur la concurrence dans la décision litigieuse, ce grief serait en tout état de cause irrecevable, d’une part, en ce qu’il constituerait un moyen nouveau non susceptible d’être invoqué au stade du pourvoi et, d’autre part, en ce que les exigences de clarté et de précision imposées par l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour font défaut en tout état de cause.

48.

Je me bornerai donc à répondre au grief en question en ce qu’il reproche au Tribunal de ne pas avoir jugé nécessaire de tenir compte de l’avantage concurrentiel précisé aux points précédents des présentes conclusions pour déterminer l’avantage conféré par la mesure litigieuse et apprécier l’existence d’un risque de surcompensation. La requérante fait valoir à juste titre à cet égard que, dans le cadre d’une telle appréciation, il incombe à la Commission de prendre en considération tous les facteurs susceptibles d’affecter le lien de causalité direct entre l’événement extraordinaire, les pertes encourues et l’aide octroyée, tels que, notamment, les sommes perçues par l’entreprise bénéficiaire au titre de l’indemnisation des dommages subis du fait de cet événement ou en raison d’autres interventions publiques de soutien aux entreprises adoptées à la suite de cet événement. Ces facteurs affectent en effet, en la réduisant, l’importance des pertes effectivement supportées par cette entreprise. Cela n’implique cependant pas que, pour déterminer la valeur de l’avantage conféré à celle-ci, la Commission soit tenue de prendre en compte, à supposer qu’elle soit aisément et précisément quantifiable, la valeur correspondant, d’une part, aux avantages secondaires liés à l’octroi de l’aide et, d’autre part, aux éventuels bénéfices économiques que cette entreprise est susceptible de réaliser par l’exploitation de l’aide. En effet, la valeur des premiers n’est pas susceptible de quantification autonome, alors que, s’agissant des seconds, au point 92 de l’arrêt Aer Lingus, auquel le Tribunal a renvoyé par analogie au point 63 de l’arrêt attaqué, la Cour a précisé que l’obligation pour l’État membre concerné de supprimer, par voie de récupération, une aide incompatible avec le marché unique et de rétablir ainsi la situation antérieure à son octroi « implique la restitution de l’avantage procuré par [l’aide] à son bénéficiaire et non pas la restitution de l’éventuel bénéfice économique réalisé par celui-ci par l’exploitation de cet avantage ». Contrairement à ce que soutient Ryanair, ce renvoi est pertinent, à tout le moins dans la mesure où, dans son recours, Ryanair a identifié l’avantage concurrentiel spécifique qu’elle invoque dans la capacité acquise par SAS d’augmenter sa part de marché une fois que cesseraient les restrictions liées à la pandémie ( 25 ). Cela étant précisé, si l’on exclut les bénéfices secondaires et indirects mentionnés au point 48 des présentes conclusions, l’« avantage concurrentiel » visé par la requérante n’est autre, me semble-t-il, que le bénéfice de nature économique et sélective que la mesure litigieuse confère à SAS et qui, en la plaçant dans une situation plus favorable que celle des compagnies aériennes concurrentes, donne lieu à une distorsion de la concurrence. Ainsi qu’il ressort de la communication de la Commission sur l’application des articles [107 et 108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties ( 26 ), à laquelle renvoient tant la décision litigieuse (voir considérants 17 et 18) que l’arrêt attaqué (voir point 54), dans le cas d’une garantie, ce bénéfice est égal, en principe, à la différence entre le prix de marché de la garantie et le prix réellement payé ( 27 ). Or, c’est précisément sur un calcul de ce type que la Commission s’est basée, au considérant 68 de la décision litigieuse, pour déterminer le montant de l’aide accordée par la mesure litigieuse afin d’exclure l’existence d’une surcompensation, d’ailleurs sans écarter la possibilité que, étant donné les conditions du marché et les difficultés rencontrées par SAS pour obtenir un crédit, ce montant doive être considéré comme équivalent à celui du prêt obtenu au moyen de la garantie de l’État. Dans ces conditions, en concluant, au point 64 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait dûment tenu compte de l’avantage conféré à SAS, tel qu’il résultait de la mesure en cause, et qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir établi l’existence d’un éventuel bénéfice économique découlant de cet avantage, le Tribunal n’a pas commis l’erreur de droit alléguée par Ryanair dans le huitième grief du deuxième moyen de son pourvoi. Ce grief doit donc également être rejeté comme non fondé.

7. Conclusion sur le deuxième moyen du pourvoi

49.

Dans la mesure où j’ai conclu au rejet de l’ensemble des griefs soulevés par la requérante à l’appui du deuxième moyen de son pourvoi, ce moyen doit, selon moi, être rejeté dans son intégralité.

C. Sur le troisième moyen du pourvoi

50.

Dans le cadre de son troisième moyen, dirigé contre les points 70 à 89 de l’arrêt attaqué, Ryanair invoque plusieurs erreurs de droit et une dénaturation manifeste des faits qu’aurait commises le Tribunal en rejetant la première branche du troisième moyen de son recours et en concluant, au point 89 de cet arrêt, que la mesure litigieuse, bien que son bénéfice ait été réservé à SAS, était justifiée et ne violait pas le principe de non-discrimination.

51.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en premier lieu, rejeté l’allégation de la requérante selon laquelle la mesure litigieuse a pour objectif, outre celui d’indemniser partiellement SAS du dommage résultant de la pandémie de COVID-19, de préserver la connectivité de la Suède, l’« accessibilité intrascandinave » ou l’économie suédoise (points 74 et 75) ou encore de maintenir la structure du marché (point 76). En deuxième lieu, il a rejeté l’argument de la requérante tiré du caractère discriminatoire de l’aide accordée par la mesure litigieuse (points 77 et 78). En troisième lieu, il a constaté que la différence de traitement en faveur de SAS était appropriée pour remédier aux dommages résultant des restrictions introduites en raison de la pandémie de COVID-19 et n’allait pas au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre cet objectif (points 80 à 88).

52.

Dans le cadre du troisième moyen du pourvoi, la requérante soulève trois griefs distincts, un pour chacun des points du raisonnement développé par le Tribunal. Afin de suivre le même ordre logique que les motifs de l’arrêt attaqué, je commencerai mon analyse par le deuxième grief, relatif à la détermination de l’objet de la mesure litigieuse.

1. Sur le deuxième grief

53.

Ryanair soutient, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur de droit et a manifestement dénaturé les faits en rejetant, aux points 74 et 75 de l’arrêt attaqué, l’allégation qu’elle avait avancée en première instance selon laquelle la mesure litigieuse avait pour objectif de préserver la connectivité de la Suède, l’« accessibilité intrascandinave » ou l’économie suédoise. Il aurait adopté une interprétation excessivement formaliste de la décision litigieuse, qui serait d’ailleurs contredite par le point 82 de cet arrêt.

54.

Ces arguments sont, à mon avis, dénués de fondement. L’objectif de la mesure litigieuse est, en effet, énoncé expressément au considérant 9 de la décision litigieuse, situé dans la section 2.1 de cette décision, intitulée précisément « Objectif de la mesure » et il consiste, comme l’indique à juste titre le Tribunal au point 75 de l’arrêt attaqué, à « indemniser SAS du dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le cadre de la pandémie de COVID-19 ». Les considérants 25 et 26 de ladite décision, sur lesquels se fonde la requérante, où figurent, outre des informations sur la position de SAS sur le marché, des données relatives à la contribution de celle-ci à la connectivité de la Suède, à l’« accessibilité intrascandinave », au marché du travail et, plus généralement, à l’économie suédoise, visent uniquement, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de leur placement dans la section 2.5 de la même décision, intitulée « Bénéficiaire », à décrire le profil de l’entreprise destinataire de l’aide. Contrairement à ce que soutient Ryanair, ces considérants ne définissent ni directement ni indirectement l’objectif de la décision litigieuse qui, comme nous l’avons vu, conformément à la base juridique justifiant sa compatibilité, est de remédier aux dommages découlant de l’événement extraordinaire que constitue la pandémie de COVID-19. Le Tribunal n’a donc pas commis l’erreur d’interprétation que lui reproche la requérante. Par ailleurs, la contradiction invoquée par cette dernière entre les points 74 et 75 de l’arrêt attaqué et le point 82 de cet arrêt n’existe pas non plus. En effet, outre que, dans ce point, les données relatives aux parts du trafic intrascandinave et du trafic interne à la Suède détenues par SAS sont prises en considération en tant que simple indicateur du dommage subi par cette entreprise et non en tant qu’indice de l’objectif poursuivi par les autorités suédoises, ledit point s’inscrit dans une autre appréciation, effectuée par le Tribunal aux points 80 à 87 dudit arrêt, concernant la proportionnalité des modalités d’octroi de la mesure litigieuse à l’objectif qu’elle poursuit.

55.

Ryanair fait valoir en second lieu que, au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis une erreur d’interprétation du droit applicable en rejetant l’argument qu’elle avait soulevé, selon lequel la mesure litigieuse avait nécessairement pour objectif le maintien de la structure du marché. Dans ce point, le Tribunal a précisé que, « si, du point de vue de la concurrence, il peut être préférable d’aider l’ensemble des acteurs économiques afin de prévenir une réduction de leur nombre », toutefois, « les États membres ne sont pas obligés de remédier à l’intégralité des dommages causés par un événement extraordinaire visé à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et, par voie de conséquence, d’accorder des aides à l’ensemble des victimes de ces dommages ». À cet égard, je relève que la requérante se borne à affirmer que, au vu de la constatation faite au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait dû conclure que le maintien de la structure du marché faisait partie (ou aurait dû faire partie) des objectifs de la mesure litigieuse, sans prendre en considération les raisons pour lesquelles il a exclu cette conclusion, qui sont substantiellement les mêmes que celles qui l’ont conduit à rejeter le premier moyen du recours et qui concernent le pouvoir d’appréciation qu’il reconnaît aux États membres lors de l’adoption de mesures au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Sur cette question, je me borne donc à renvoyer à la discussion du premier moyen du pourvoi, qui correspond au premier moyen du recours devant le Tribunal.

56.

Quant au troisième argument soulevé par Ryanair, il porte plutôt sur la violation du principe de non-discrimination en raison de la nationalité et sera donc traité dans l’examen du premier grief du troisième moyen du pourvoi.

57.

Pour les raisons qui précèdent, le deuxième grief du troisième moyen du pourvoi doit, à mon sens, être rejeté comme non fondé.

2. Sur le premier grief

58.

Par le premier grief de son troisième moyen, dirigé contre les points 77 à 80 de l’arrêt attaqué, la requérante reproche en substance au Tribunal de ne pas avoir dûment appliqué le principe de non-discrimination en raison de la nationalité énoncé à l’article 18, premier alinéa, TFUE. Ryanair fait valoir que, bien que toutes les compagnies aériennes opérant en Suède aient été affectées par les conséquences de la pandémie de COVID-19, seule SAS a bénéficié d’une aide individuelle en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Étant donné que la décision litigieuse indiquerait clairement que de telles aides ne pouvaient être accordées qu’à des compagnies aériennes disposant d’une licence d’exploitation délivrée par la Suède et que, dans l’arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management ( 28 ), la Cour a jugé qu’un tel critère équivalait à une discrimination fondée sur la nationalité, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que cette décision ne violait pas l’article 18 TFUE.

59.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord relevé, au point 77, « qu’une aide individuelle […] ne bénéficie, par définition, qu’à une seule entreprise, à l’exclusion de toutes les autres entreprises, y compris celles se trouvant dans une situation comparable à celle du bénéficiaire de cette aide » et instaure, « de par sa nature », « une différence de traitement, voire une discrimination, laquelle est pourtant inhérente au caractère individuel de ladite mesure ». La thèse de la requérante revenait donc à mettre systématiquement en cause la compatibilité avec le marché intérieur de toute aide individuelle du seul fait que celle-ci revêt un caractère intrinsèquement exclusif et, partant, discriminatoire, alors que le droit de l’Union permet aux États membres d’accorder de telles aides pour autant que toutes les conditions de l’article 107 TFUE soient remplies. Au point 80 de cet arrêt, le Tribunal a d’ailleurs précisé que, à supposer que la différence de traitement instituée par la mesure litigieuse, en ce qu’elle est prévue au seul bénéfice de SAS, puisse être assimilée à une discrimination, il convenait de vérifier si cette mesure était justifiée par un objectif légitime et si elle était nécessaire, appropriée et proportionnée pour atteindre cet objectif. Dans les limites où Ryanair se référait à l’article 18, premier alinéa, TFUE, le Tribunal a relevé que cette disposition interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités « sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient » et a estimé qu’il convenait donc de vérifier si la différence de traitement instituée par ladite mesure était permise au regard de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, qui constitue la base juridique de la décision litigieuse. Selon le Tribunal, cet examen impliquait « d’une part, que l’objectif de la mesure [litigieuse] satisfasse aux exigences prévues par cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi de la mesure en cause, à savoir, en l’espèce, le fait que celle-ci ne bénéficie qu’à SAS, soient de nature à permettre que soit atteint cet objectif et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre ».

60.

Ryanair fait valoir en premier lieu que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 80 de l’arrêt attaqué, l’article 107 TFUE ne constitue pas une « disposition particulière » au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE en ce qu’il n’établit pas de règles spécifiques de non-discrimination.

61.

À cet égard, je rappelle que le principe général de non-discrimination interdit, d’une part, de traiter de manière différente des situations comparables et, d’autre part, de traiter de la même manière des situations différentes, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ( 29 ).

62.

L’article 18, premier alinéa, TFUE dispose que, « [d]ans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ». Selon une jurisprudence constante, cette disposition n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles les traités ne prévoient pas de règles spécifiques de non-discrimination ( 30 ). Constituent de telles règles, selon la Cour, notamment les dispositions du traité relatives à la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres conférée par l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE et par l’article 21 TFUE ( 31 ), les dispositions en matière de libre circulation des marchandises (articles 30, 34 et 110 TFUE) ( 32 ), de libre circulation des travailleurs (article 45 TFUE) ( 33 ), de liberté d’établissement (article 49 TFUE) ( 34 ), de libre prestation des services (articles 56 à 62 TFUE) ( 35 ) et de libre circulation des capitaux (articles 63 et 65 TFUE) ( 36 ).

63.

L’application de l’article 18, premier alinéa, TFUE est donc subordonnée à la condition que la situation à l’origine de la discrimination invoquée ne relève d’aucune règle spécifique prévue par les traités et visant à interdire une discrimination en raison de la nationalité ( 37 ). L’article 107 TFUE constitue-t-il une telle règle ?

64.

Bien que l’interdiction des aides inscrite au premier paragraphe de l’article 107 TFUE vise à garantir que la concurrence dans le marché intérieur ne soit pas faussée par des interventions des États membres, qui tendent à favoriser des entreprises nationales, j’avoue que j’éprouve quelque difficulté à reconnaître à cette disposition le caractère de règle destinée à mettre en œuvre l’interdiction de la discrimination en raison de la nationalité au même titre que les dispositions du traité FUE sur les quatre libertés. Si le principe de non-discrimination inscrit à l’article 18, paragraphe 1, TFUE et le régime des aides d’État présentent une certaine affinité d’objectifs, à savoir protéger la concurrence et les libertés européennes, ce régime constitue cependant un instrument de contrôle de la discrimination, mais sans contenir lui-même de règle de non-discrimination. Néanmoins, ainsi que le fait valoir la Commission, les paragraphes 2 et 3 de l’article 107 TFUE, en ce qu’ils prévoient, sous certaines conditions, la compatibilité de certaines aides avec le marché intérieur, admettent certaines disparités de traitement lorsqu’elles sont nécessaires et proportionnées à la réalisation des objectifs visés par ces dispositions, et ces dispositions sont donc pertinentes aux fins de l’application du principe de non-discrimination, en tant que « dispositions particulières » des traités au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE.

65.

Par ailleurs, comme j’ai déjà eu l’occasion de le relever ailleurs, la jurisprudence de la Cour a de longue date mis en évidence le lien étroit entre la notion de « sélectivité », qui relève de la notion d’« aide », et celle de « discrimination » ( 38 ). La condition relative à l’avantage sélectif impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres qui se trouvent, à la lumière de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » ( 39 ).

66.

Toutefois, lorsque l’aide prévue par une telle mesure est ensuite déclarée compatible avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, la différenciation qu’elle instaure entre des entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable est considérée comme objectivement justifiée et tolérée dans la mesure où elle est nécessaire à la réalisation d’objectifs dignes d’être protégés par le droit de l’Union. Cela vaut tant pour les mesures individuelles que pour les régimes d’aides et implique que la mesure en cause, outre le respect des conditions spécifiques prévues par les dispositions dérogeant à l’interdiction des aides énoncée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit propre à atteindre les objectifs admis par ce traité et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif de l’aide ou à son fonctionnement ( 40 ). C’est en ce sens qu’il y a lieu de comprendre l’affirmation figurant au point 77 de l’arrêt attaqué, que Ryanair critique dans le cadre du deuxième grief du troisième moyen de son pourvoi, et dont la formulation n’est pas des plus heureuses. Dans l’économie du raisonnement suivi par le Tribunal dans cet arrêt, cette affirmation ne revêt toutefois pas un caractère décisif puisque le Tribunal procède néanmoins, aux points 80 et suivants dudit arrêt, à un examen de la proportionnalité de la mesure litigieuse.

67.

Au vu de ce qui précède, l’argument soulevé par Ryanair, tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en considérant que l’article 107 TFUE constitue une « disposition particulière » au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE, doit donc, à mon avis, être rejeté.

68.

En deuxième lieu, Ryanair fait valoir qu’une discrimination directe fondée sur la nationalité telle que celle introduite par la mesure litigieuse ne saurait être justifiée autrement que par les motifs de dérogation prévus expressément par le traité et, partant, s’agissant d’une mesure qui affecte la libre prestation des services, les raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique énoncées limitativement à l’article 52 TFUE, auquel renvoie l’article 62 TFUE. Les justifications avancées par la Commission dans la décision litigieuse, tenant à la nécessité de préserver la connectivité de la Suède, l’« accessibilité intrascandinave » ou l’économie suédoise ne relèveraient pas de ces dérogations. Cet argument se recoupant en substance avec ceux avancés dans le cadre du quatrième moyen du pourvoi, je renvoie à l’examen de ce moyen.

69.

En troisième lieu, Ryanair fait valoir que, quand bien même la libre prestation des services serait inapplicable en l’espèce, le Tribunal aurait néanmoins omis d’apprécier si, comme l’exige la jurisprudence de la Cour, et notamment l’arrêt International Jet Management, la disparité de traitement introduite par la mesure litigieuse, qui s’applique uniquement à SAS en tant que compagnie aérienne titulaire d’une licence d’exploitation délivrée par la Suède et établie en Suède, se justifie par des « considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées ». Je rappelle que, dans l’arrêt International Jet Management, la Cour a considéré que l’article 18 TFUE s’opposait à la réglementation d’un État membre qui imposait à un transporteur aérien, titulaire d’une licence d’exploitation délivrée par un autre État membre, l’obligation d’obtenir une autorisation de pénétrer son espace aérien pour des vols en provenance de pays tiers, alors qu’une telle autorisation n’était pas exigée des transporteurs aériens titulaires d’une licence délivrée par le premier État membre.

70.

À cet égard, il est utile de préciser que SAS ne bénéficie pas de la mesure litigieuse en raison du fait qu’elle dispose d’une licence d’exploitation délivrée par la Suède, mais en tant qu’entreprise ayant subi des dommages à la suite des restrictions imposées par cet État membre en réaction à la crise engendrée par la pandémie de COVID-19 et opérant sur un marché, celui du transport aérien, particulièrement touché par l’événement extraordinaire que constitue l’apparition de cette pandémie et face auquel la Suède a jugé opportun d’intervenir par des mesures de soutien. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le relever, pour désigner SAS comme bénéficiaire de la mesure litigieuse, le Royaume de Suède était en droit de se fonder sur des considérations tenant, entre autres, à la contribution de SAS, proportionnellement plus importante que celle des compagnies aériennes concurrentes, à la poursuite de certains objectifs fondamentaux pour cet État membre, tels que le maintien de la connectivité intérieure, tant du territoire suédois que de la région scandinave, y compris sur les lignes les moins commerciales, et internationale, en particulier dans une situation de crise et d’incertitude prolongées telle que celle provoquée par la pandémie de COVID-19. Certes, il ressort de la décision litigieuse que seules les compagnies aériennes remplissant certaines conditions, dont celles d’être titulaire d’une licence d’exploitation délivrée par la Suède et d’être éligible au régime d’aides suédois, pouvaient avoir accès à des mesures d’aide individuelles en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, telles que la mesure litigieuse. Toutefois, à mon avis, cette seule circonstance ne permet pas d’affirmer, comme le fait la requérante, que le fait que cette mesure s’applique seulement à SAS viole en soi le principe de non-discrimination en raison de la nationalité inscrit à l’article 18, premier alinéa, TFUE. En tout état de cause, même à considérer l’arrêt International Jet Management, invoqué par la requérante, comme pertinent pour l’application du principe général de non-discrimination dans le domaine des aides d’État, je n’exclus pas que les considérations susmentionnées, relatives à la contribution de SAS à la connectivité de la Suède et à l’« accessibilité intrascandinave », qui figurent au considérant 26 de la décision litigieuse, puissent, dans une situation de crise telle que celle causée par la pandémie de COVID-19, être susceptibles de constituer des « considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées », de nature non purement économique, au sens de cet arrêt.

71.

Sur la base de ce qui précède, j’estime que le troisième argument soulevé par Ryanair dans le cadre du premier grief du troisième moyen de son pourvoi est non fondé. Partant, il y a lieu de rejeter ce grief comme non fondé pour la partie examinée jusqu’ici.

3. Sur le troisième grief

72.

Par le troisième grief du troisième moyen du pourvoi, relatif à l’examen de la proportionnalité de la mesure litigieuse par la Commission, Ryanair formule quatre critiques distinctes contre les motifs figurant aux points 81 à 88 de l’arrêt attaqué. Les trois premières sont dirigées contre le point 84 de cet arrêt, dans lequel le Tribunal affirme qu’« il résulte de la décision litigieuse que SAS, du fait de ses parts de marché plus importantes, a été davantage affectée par les restrictions relatives à la pandémie de COVID-19 que les autres compagnies aériennes présentes en Suède ».

73.

La requérante fait valoir, en premier lieu, que cette affirmation, sur laquelle le Tribunal se fonde pour justifier l’adéquation de la disparité de traitement introduite en faveur de SAS par la mesure litigieuse, ne figure pas dans la décision litigieuse et que le Tribunal aurait ainsi procédé à une inadmissible substitution de motifs.

74.

Je rappelle à ce propos que, dans le cadre du contrôle de légalité au titre de l’article 263 TFUE, la Cour et le Tribunal ne peuvent, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué ( 41 ). Par contre, sauf dans le cas où aucun élément matériel ne le justifie, le Tribunal, dans le cadre d’un recours en annulation, peut être amené à interpréter la motivation de cet acte d’une manière différente de son auteur, voire, dans certaines circonstances, à rejeter la motivation formelle retenue par celui-ci ( 42 ). En l’espèce, au point 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu à l’argument soulevé par Ryanair selon lequel la seule circonstance que SAS, dont les opérations se concentraient au Danemark, en Suède et en Norvège, représentait 67 % du trafic aérien intrascandinave et près de la moitié du trafic intérieur de la Suède ne permettait pas de justifier la différence de traitement résultant de la mesure en cause ( 43 ). Or, c’est sur ces données, qui figurent au considérant 26 de la décision litigieuse et que la Commission a donc nécessairement prises en considération dans son appréciation de la compatibilité de la mesure litigieuse, que le Tribunal s’est fondé pour conclure, d’une part, au point 84 de cet arrêt, qu’il résultait de cette décision que SAS, du fait de ses parts de marché plus importantes, avait été affectée davantage par les restrictions introduites à la suite de la pandémie de COVID-19 que les autres compagnies aériennes opérant en Suède et, d’autre part, au point 86 dudit arrêt, que la différence de traitement en faveur de SAS était appropriée pour remédier aux dommages résultant de ces restrictions et n’allait pas au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre cet objectif, compte tenu aussi de la nature et du montant de l’aide en question et de ses modalités d’octroi. Il s’ensuit que, aux points 82 à 86 du même arrêt, le Tribunal s’est borné, pour répondre au grief soulevé par la requérante, à interpréter la décision litigieuse d’une manière conforme aux indications figurant dans celle-ci et n’a donc procédé à aucune substitution des motifs de cette décision.

75.

En deuxième lieu, Ryanair fait valoir que la justification avancée par le Tribunal au point 84 de l’arrêt attaqué implique qu’une entreprise qui détient une importante part de marché et est donc en mesure d’exercer un pouvoir de marché significatif peut s’approprier l’intégralité de la réparation des dommages disponible en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Or, le respect du principe de proportionnalité voudrait que cette réparation soit répartie entre tous les opérateurs du marché proportionnellement aux dommages subis. La logique sous-jacente à cette justification serait en outre contraire à l’article 102 TFUE, en ce qu’elle réserve des droits spéciaux à une entreprise dominante, sur laquelle pèse au contraire une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, au jeu d’une concurrence effective.

76.

Cet argument doit, à mon sens, également être rejeté. Il part de la prémisse qu’une aide individuelle destinée à indemniser seulement une des victimes d’un événement extraordinaire présentes sur le marché violerait nécessairement le principe de proportionnalité, qui voudrait que l’aide soit distribuée proportionnellement entre toutes les victimes de cet événement, et que cette aide ne puisse donc pas être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Or, le bien-fondé de cette prémisse a été discuté et exclu dans le cadre de l’examen du premier moyen du pourvoi. Dans ce cadre, je suis parvenu à la conclusion qu’une telle aide est admise en vertu de cette disposition si le choix du bénéficiaire n’est pas arbitraire et qu’il est approprié et proportionné à l’objectif poursuivi par cette règle. Dans une situation de crise, telle que celle causée par des événements couverts par ladite disposition, un État membre doit être libre, sous le contrôle de la Commission, de décider sur quels marchés intervenir par des mesures réparatrices et de la manière d’affecter les ressources disponibles, y compris pour assurer, ainsi que le souligne le Tribunal au point 87 de l’arrêt attaqué, l’effet utile de son intervention. S’agissant de la référence faite par Ryanair à l’article 102 TFUE et à la responsabilité particulière qui incombe aux entreprises se trouvant dans une position dominante au sens de cette disposition, je relève, d’une part, que la requérante ne soutient ni ne démontre que SAS jouit d’une position dominante au sens de ladite disposition et, d’autre part, que, même si une telle position était établie, l’octroi d’une aide individuelle ne saurait avoir pour effet en tant que tel, comme le souligne à juste titre la République française, de conduire le bénéficiaire de l’aide à abuser de sa position sur le marché au seul motif que les entreprises concurrentes n’ont pas bénéficié d’une mesure analogue. En outre, ainsi qu’il ressort du point 82 de cet arrêt, le Tribunal a pris en considération la part de marché de SAS en tant qu’indicateur des dommages supplémentaires subis par celle-ci et cette part de marché constitue donc un critère pertinent aux fins de l’adoption d’une mesure réparatrice en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

77.

En troisième lieu, Ryanair fait valoir que le point 85 de l’arrêt attaqué ne fait pas ressortir clairement quelles sont les restrictions qui auraient affecté SAS sensiblement plus que la requérante. S’il s’agissait des restrictions relatives à la pandémie de COVID-19 en général, l’affirmation du Tribunal serait manifestement erronée, puisque, en tant que compagnie paneuropéenne, Ryanair aurait été affectée par ces restrictions au moins dans la même mesure que SAS. S’il s’agissait, au contraire, des restrictions adoptées par les autorités suédoises, le critère suivi par le Tribunal serait arbitraire, puisqu’il favorise nécessairement les compagnies aériennes suédoises et constitue en outre une discrimination indirecte encourageant la fragmentation du marché unique.

78.

Je rappelle à cet égard que l’objectif de la mesure litigieuse est d’indemniser SAS des dommages résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’introduction de restrictions de voyage dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Comme l’a relevé à juste titre le Royaume de Suède, ces dommages sont déterminés en fonction d’un critère, l’annulation ou la reprogrammation des vols, qui est indépendant de l’origine des restrictions. Pour apprécier la proportionnalité de cette mesure, il n’est donc pas nécessaire, quand bien même cela serait possible concrètement, de déterminer si ces dommages sont à attribuer aux seules restrictions adoptées par les autorités suédoises ou à l’ensemble des restrictions mises en place par les États membres ou par ces derniers et des pays tiers. En outre, ainsi que l’indique le Tribunal au point 84 de l’arrêt attaqué, il ressort de la décision litigieuse que, conformément à la nature territoriale des aides d’État, la nécessité d’adopter une mesure d’indemnisation en faveur de SAS a été appréciée par référence au marché suédois et aux compagnies aériennes présentes sur ce marché, ainsi qu’à leurs parts respectives de ce marché. Dans ces conditions, le critère d’appréciation de la proportionnalité de ladite mesure retenu par le Tribunal, qui tient compte des dommages plus importants subis par SAS en raison de sa part de marché plus élevée que celle des autres compagnies aériennes présentes sur le marché suédois, n’a rien de discriminatoire et constitue la conséquence logique du fait que la même mesure vise à remédier aux conséquences produites sur le marché suédois par l’événement extraordinaire que constitue la pandémie de COVID-19.

79.

Enfin, la requérante critique le critère « de l’effet utile » figurant au point 87 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a jugé que, étant donné le faible montant de la mesure litigieuse et compte tenu de l’évaluation des dommages subis par SAS, la requérante n’avait pas démontré que la répartition de ce montant entre toutes les compagnies aériennes présentes en Suède n’aurait pas privé cette mesure d’effet utile. Cet argument doit, à mon avis, être rejeté comme inopérant, puisqu’il est dirigé contre un motif surabondant de la décision litigieuse et ne saurait entraîner l’annulation de celle-ci ( 44 ).

4. Conclusion sur le troisième moyen du pourvoi

80.

Dans la mesure où j’ai conclu au rejet de l’ensemble des griefs soulevés par la requérante à l’appui du troisième moyen du pourvoi, ce moyen doit, selon moi, être rejeté dans son intégralité.

D. Sur le quatrième moyen du pourvoi

81.

Par le quatrième moyen de son pourvoi, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit et a manifestement dénaturé les faits en rejetant la seconde branche du troisième moyen de son recours, par laquelle elle invoquait une violation de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services en raison du caractère discriminatoire de la mesure litigieuse. Ce moyen se divise en trois griefs. Les deuxième et troisième griefs seront examinés conjointement.

1. Sur le premier grief

82.

Par le premier grief du quatrième moyen de son pourvoi, Ryanair fait valoir que, en affirmant, au point 94 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’avait pas établi en quoi le caractère exclusif de la mesure litigieuse, qui ne bénéficie qu’à SAS, « est de nature à la dissuader de s’établir en Suède ou d’effectuer des prestations de services depuis ce pays et à destination de celui-ci », le Tribunal aurait choisi un critère erroné pour apprécier si une mesure nationale gêne ou rend moins attrayant l’exercice de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement. Le critère qui ressortirait de la jurisprudence serait plutôt de savoir si la mesure en cause est de nature à dissuader « un quelconque opérateur intéressé » et donc, en l’espèce, d’autres compagnies aériennes que SAS opérant en Suède de s’établir ou de prester des services dans l’État membre concerné.

83.

Ce grief est manifestement dépourvu de fondement. D’une part, il repose sur une lecture tronquée du point 94 de l’arrêt attaqué. Dans la seconde phrase de ce point, le Tribunal a précisé que la requérante n’avait pas indiqué « les éléments de fait ou de droit qui feraient que [la mesure litigieuse] produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais qui […] sont néanmoins nécessaires et proportionnés pour remédier aux dommages causés à SAS par l’événement extraordinaire qu’est la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences prévues par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ». Ce faisant, le Tribunal a précisé la portée de la charge de la preuve dont la requérante ne s’est pas acquittée et l’a détachée de toute référence à la situation d’une compagnie aérienne précise et, en particulier, à celle de la requérante. D’autre part, ainsi que l’a relevé à juste titre la République française, le grief de Ryanair ne tient pas compte du renvoi, opéré au point 94 de l’arrêt attaqué, à l’analyse effectuée précédemment par le Tribunal quant à la proportionnalité de la mesure litigieuse, dans laquelle la situation de l’ensemble des compagnies aériennes présentes en Suède a été prise en compte.

2. Sur les deuxième et troisième griefs

84.

Par le deuxième grief du quatrième moyen de son pourvoi, Ryanair soutient que l’affirmation figurant au point 94 de l’arrêt attaqué, reproduite au point 82 des présentes conclusions, est contradictoire et erronée en droit, puisque aucune démonstration n’était nécessaire en l’espèce, dès lors que le fait d’être privé arbitrairement d’un avantage réservé à la principale compagnie aérienne suédoise dissuade en soi les autres compagnies aériennes d’exercer la libre prestation des services et la liberté d’établissement. À cet égard, Ryanair renvoie à nouveau à l’arrêt International Jet Management. La requérante fait valoir que, en tout état de cause, elle a fourni divers éléments de preuve, dont, notamment, un rapport rédigé au sein du département des services d’investissement de Goodbody Stockbrokers et l’avis d’un expert en droit aérien. Le Tribunal aurait toutefois omis d’apprécier ces éléments. Par le troisième grief, Ryanair reproche, en substance, au Tribunal d’avoir rejeté à tort les arguments qu’elle avait invoqués en première instance, visant à démontrer que la restriction à la libre prestation des services et à la liberté d’établissement qu’a entraînée la mesure litigieuse n’est pas justifiée.

85.

Il importe de rappeler que, pour relever de l’interdiction édictée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la mesure en cause doit conférer un avantage de façon sélective à certaines entreprises ou catégories d’entreprises ou à certains secteurs économiques, en les plaçant dans une situation plus favorable que d’autres ( 45 ). Il s’ensuit que, par définition, une aide est susceptible de renforcer la position de son bénéficiaire au détriment de ses concurrents et de rendre plus difficile pour ceux-ci la fourniture de leurs biens ou la prestation de leurs services sur le marché concerné par l’aide. Ainsi que la Cour l’a reconnu, une aide comporte fréquemment par elle-même une protection et, partant, un certain cloisonnement du marché par rapport aux productions des entreprises qui n’en bénéficient pas ( 46 ). La requérante n’a donc pas tort de soutenir, en substance, que toute aide qui réserve un avantage à un opérateur économique national est susceptible d’avoir des effets négatifs sur la libre prestation des services ou sur la liberté d’établissement, dans la mesure où les entreprises qui opèrent sur le même marché que le bénéficiaire en exerçant ces libertés ne jouissent pas, à l’instar de tout autre concurrent de ce dernier, du même avantage.

86.

Toutefois, ces effets ne comportent pas nécessairement, comme semble l’affirmer la requérante, de restriction de ces libertés au sens du traité ( 47 ). Il est notamment permis de se demander dans quelles conditions une aide individuelle accordée à une entreprise opérant sur un marché faisant l’objet d’un commerce entre les États membres entraînerait nécessairement et systématiquement, outre un préjudice pour ce commerce, une discrimination directe ou indirecte fondée sur la nationalité, du seul fait que le bénéficiaire de cette aide est une entreprise nationale, ou dissuaderait les opérateurs d’autres États membres de s’établir ou de prester des services dans l’État membre en question, ou encore aurait pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre ( 48 ). Or, l’argument soulevé par la requérante dans le cadre de ce grief, en ce qu’il se fonde sur un tel automatisme, ne permet pas, en soi, de réfuter la constatation faite par le Tribunal au point 94 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la requérante n’a pas apporté d’éléments permettant de considérer que la mesure litigieuse, en ce qu’elle avantage exclusivement SAS, produit un effet dissuasif de l’exercice de la liberté d’établissement ou de la libre prestation des services. Quant aux éléments de preuve que la requérante aurait présentés en ce sens devant le Tribunal, cette dernière se borne, en substance, à un renvoi général à deux rapports d’experts commandés par elle, ce qui ne permet pas de comprendre en quoi ils seraient spécifiquement pertinents pour la question examinée.

87.

Le deuxième grief du quatrième moyen du pourvoi doit donc, à mon sens, être rejeté comme non fondé. En conséquence, il y a lieu de rejeter aussi le troisième grief en ce qu’il est fondé, en substance, sur la prémisse selon laquelle le Tribunal aurait écarté à tort l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services et suppose donc que soit accueilli le deuxième grief soulevé par la requérante.

3. Conclusion sur le quatrième moyen du pourvoi

88.

Étant donné que j’ai conclu au rejet de l’ensemble des griefs soulevés par la requérante à l’appui du quatrième moyen de son pourvoi, ce moyen doit, à mon sens, être rejeté dans son intégralité.

E. Sur le cinquième moyen du pourvoi

89.

Par le cinquième moyen du pourvoi, dirigé contre les points 99 et 100 de l’arrêt attaqué, Ryanair fait valoir que, en rejetant le quatrième moyen du recours, tiré de la violation de ses droits procéduraux en raison de l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen, par un simple renvoi à l’examen des trois premiers moyens du recours, relatifs au bien-fondé de l’appréciation de la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché intérieur, le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit et une dénaturation des faits.

90.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal, d’une part, a relevé que le quatrième moyen soulevé par Ryanair à l’appui de son recours avait, en réalité, un caractère subsidiaire, pour le cas où il n’examinerait pas le bien-fondé de l’appréciation de l’aide en tant que telle (point 99). D’autre part, le Tribunal a constaté que ce moyen était « dépourvu de contenu autonome », en ce qu’il se bornait à reprendre « de façon condensée les arguments soulevés dans le cadre des premier à troisième moyens sans mettre en évidence d’éléments spécifiques relatifs à d’éventuelles difficultés sérieuses » (point 100).

91.

Ryanair relève en premier lieu que, à la différence des trois premiers moyens du recours, le quatrième moyen ne supposait pas la preuve du caractère erroné des appréciations de la Commission. Un autre critère s’appliquait donc au contrôle que devait exercer le Tribunal et ce dernier ne pouvait se contenter de renvoyer au résultat de l’examen des trois premiers moyens du recours pour déclarer le quatrième non fondé. En second lieu, Ryanair fait valoir que, contrairement à ce qu’affirme le Tribunal, elle a avancé au soutien du quatrième moyen de son recours des arguments autonomes, visant à mettre en évidence les lacunes dans les informations dont disposait la Commission au moment de l’adoption de la décision litigieuse, lacunes qui n’auraient pu être comblées que par l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

92.

Il convient tout d’abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) no 2015/1589 ( 49 ), dépend du point de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, devait objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. L’existence de doutes quant à cette compatibilité est donc la preuve qui doit être rapportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Cette preuve, qui doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu, doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision à partir d’un faisceau d’indices concordants ( 50 ). La Cour a précisé à ce sujet que ne constituent pas, à eux seuls, des indices de difficultés sérieuses qui auraient exigé l’ouverture d’une procédure formelle d’examen le caractère important de l’aide octroyée en application de la mesure en cause, ainsi que la complexité et la nouveauté de cette mesure ( 51 ).

93.

En l’espèce, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, la requérante a invoqué dans les trois premiers moyens du recours une série d’erreurs manifestes d’appréciation entachant, selon elle, l’appréciation de la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché intérieur. Par le quatrième moyen du recours, elle a invoqué le caractère incomplet et insuffisant de l’examen effectué par la Commission et a soutenu que l’appréciation de la compatibilité de cette mesure aurait eu un résultat différent à l’issue d’une procédure formelle d’examen. Dans ce contexte, premièrement, renvoyant aux arguments développés dans les premier et deuxième moyens du recours, Ryanair a fait valoir que la décision litigieuse présentait plusieurs lacunes, notamment l’absence d’évaluation précise du montant de l’aide et des pertes subies par SAS, l’absence de prise en compte de l’avantage concurrentiel dont avait joui celle-ci et de la contribution des autres compagnies aériennes à la connectivité de la Suède ainsi que l’insuffisance de l’analyse de la compatibilité de la mesure litigieuse avec les principes de non-discrimination, de libre prestation des services et de liberté d’établissement. Deuxièmement, Ryanair a fait valoir que la crise générée par la pandémie ne dispensait pas la Commission de son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen en cas de difficultés sérieuses dans l’appréciation de l’aide. Enfin, renvoyant toujours aux trois premiers moyens du recours, Ryanair a soutenu que chacun des griefs avancés dans le cadre de ces moyens, pour lesquels elle aurait pu apporter des informations décisives dans le cadre d’une procédure formelle d’examen, aurait suffi, en cas d’ouverture d’une telle procédure, pour permettre à la Commission de conclure à l’incompatibilité de la même mesure.

94.

Dans ces conditions, force est de constater que c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que les arguments soulevés par Ryanair dans le cadre du quatrième moyen du recours étaient dépourvus d’autonomie. Il existe en effet, ainsi que le relève la République française, un parallélisme évident entre ces arguments et ceux soulevés dans le cadre des trois premiers moyens du recours. Dans ces conditions, le Tribunal n’était pas tenu d’examiner séparément les griefs soulevés dans le cadre des trois premiers moyens et ceux, identiques, soulevés dans le cadre du quatrième moyen, mais pouvait considérer que l’examen des premiers rendait superflu celui des seconds. Comme le relève la République française, l’arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission ( 52 ), auquel renvoie la requérante, ne s’oppose pas à une telle approche. Au contraire, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal avait examiné conjointement les deux moyens de fond soulevés dans le recours, portant respectivement sur l’existence de difficultés sérieuses et sur le bien-fondé des appréciations de la Commission ( 53 ), en excluant les premières après avoir constaté l’absence d’éléments de nature à mettre en cause le bien-fondé des secondes ( 54 ), sans encourir dans cette approche la censure de la Cour.

95.

Dans ce contexte, c’est sans pertinence que la requérante se réfère à la constatation figurant au point 49 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la méthode de calcul du dommage définie par la Commission ne permettait pas d’éviter complètement que l’évaluation du dommage inclue également les conséquences de décisions prises par SAS sans lien direct avec la pandémie de COVID-19, dès lors que, au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit et de l’ensemble des appréciations effectuées par le Tribunal, une telle constatation ne permet pas de considérer que, pour ce dernier, la Commission était confrontée à des difficultés sérieuses ne permettant pas d’exclure un risque concret de surcompensation et de nature à mettre en doute la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché intérieur ( 55 ). Il en va de même pour ce qui concerne les constatations du Tribunal relatives à l’absence de preuve d’effet dissuasif de cette mesure sur l’exercice de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement. S’agissant, enfin, de la référence faite par la requérante à la question, qu’elle qualifie d’« inédite », de l’application concomitante de mesures au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, je relève, d’une part, que, comme je l’ai observé au point 21 des présentes conclusions, la décision litigieuse excluait en tout état de cause un cumul d’aides accordées en vertu de ces dispositions dans le chef de SAS et, d’autre part, que, comme je l’ai rappelé dans les présentes conclusions, la nouveauté de la mesure en cause ne constitue pas, en tout état de cause, à elle seule, un indice de difficultés sérieuses de nature à imposer l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

96.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suis d’avis que le cinquième moyen du pourvoi doit être rejeté comme non fondé.

F. Sur le sixième moyen du pourvoi

97.

Par son sixième moyen, dirigé contre les points 105 à 116 de l’arrêt attaqué, Ryanair invoque une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits que le Tribunal aurait commises en rejetant le cinquième moyen de son recours, tiré d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. D’une part, selon la requérante, le Tribunal aurait fait une application erronée de la jurisprudence de la Cour sur la portée de l’obligation de motivation en considérant que le contexte factuel lié à la pandémie de COVID-19 devait être pris en compte pour apprécier le caractère adéquat et suffisant de la motivation de la décision litigieuse. D’autre part, elle fait valoir que le respect de garanties telles que le droit à une décision suffisamment motivée est d’autant plus important lorsque les institutions de l’Union disposent, comme en l’espèce, d’un large pouvoir d’appréciation.

98.

Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, rappelée par le Tribunal au point 105 de l’arrêt attaqué, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée ( 56 ). C’est sur la base de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les griefs avancés par la requérante.

99.

S’agissant du premier de ces griefs, il me semble évident que la référence faite par la Cour au contexte dans lequel s’inscrit l’acte, même si l’on devait considérer que ce dernier englobe également des éléments de caractère purement factuel, ne saurait en aucun cas être lue en ce sens qu’un renvoi à ce contexte permet d’abaisser le niveau de motivation qui s’impose aux institutions de l’Union en vertu de l’article 296 TFUE tel qu’interprété par la jurisprudence susmentionnée. Il s’ensuit que Ryanair aurait raison d’invoquer une violation de cette disposition si, comme le soutient la requérante, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal avait justifié un défaut de motivation de la décision litigieuse en se référant à la crise créée par la pandémie de COVID-19.

100.

Toutefois, ainsi que l’ont relevé à juste titre tant la République française que la Commission, aucun passage des motifs de l’arrêt attaqué consacrés à l’examen du cinquième moyen du recours ne contient une référence quelconque à la crise engendrée par la pandémie de COVID-19 en tant qu’élément du contexte à prendre en considération pour apprécier le caractère adéquat et suffisant de la motivation de la décision litigieuse conformément à la jurisprudence rappelée au point précédent des présentes conclusions. Le premier grief doit donc être rejeté.

101.

S’agissant du second grief, l’examen des motifs de l’arrêt attaqué ne permet pas de constater une violation de l’article 296 TFUE par le Tribunal au vu, notamment, de la nature de l’acte en cause, à savoir une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Je rappelle à ce propos, comme l’a par ailleurs fait le Tribunal aux points 106 et 107 de cet arrêt, que la Cour a déjà eu l’occasion de préciser qu’une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit contenir uniquement les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur et que même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme suffisante si elle fait néanmoins apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de telles difficultés ( 57 ). En l’espèce, aux points 108 à 114 dudit arrêt, le Tribunal a examiné les différents défauts de motivation invoqués par Ryanair dans sa requête, portant sur l’absence d’appréciation de la conformité de l’aide au principe de l’égalité de traitement, à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, sur l’absence d’évaluation de l’avantage concurrentiel accordé à SAS, sur l’absence d’évaluation de la méthode de calcul du dommage et du montant de l’aide et sur l’absence de précisions quant aux raisons pour lesquelles SAS aurait été traitée différemment des autres compagnies aériennes suédoises qui avaient subi des dommages à cause de la pandémie de COVID-19, et il les a jugés inexistants tout en concluant, au point 115 du même arrêt, que la décision litigieuse était suffisamment motivée. Or, contrairement à ce qu’affirme la requérante, cet examen n’est entaché d’aucune erreur quant au niveau de motivation requis en ce qui concerne l’acte en cause et aux conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal quant au caractère suffisant de la motivation de cette décision. Je relève par ailleurs que plusieurs griefs soulevés par Ryanair dans le cadre du cinquième moyen de son recours, et réitérés dans le sixième moyen du pourvoi, visaient en réalité à reprocher à la Commission une véritable absence d’examen plutôt qu’un défaut de motivation. La réponse à ces griefs se trouve donc dans des passages de l’arrêt attaqué relatifs à l’examen des trois premiers moyens du recours plutôt qu’aux points 108 à 114 de cet arrêt, relatifs à la violation de l’obligation de motivation.

102.

Eu égard à ce qui précède, le sixième moyen du pourvoi doit, à mon sens, être rejeté comme non fondé.

G. Conclusion sur le pourvoi

103.

Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’ensemble des moyens du pourvoi et, partant, le pourvoi dans son intégralité doivent, à mon sens, être rejetés.

IV. Conclusion

104.

Eu égard à tout ce qui précède, je suggère à la Cour de rejeter le pourvoi. Conformément à l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, je suggère également à la Cour de condamner Ryanair DAC aux dépens exposés par la Commission européenne et par SAS AB, et de dire pour droit que la République française et le Royaume de Suède supporteront leurs propres dépens.


( 1 ) Langue originale : l’italien.

( 2 ) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, à la Banque européenne d’investissement et à l’Eurogroupe : Réaction économique coordonnée à la flambée de COVID-19 [COM(2020) 112 final].

( 3 ) JO 2020, C 91 I, p. 1.

( 4 ) Aux termes de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, « [s]ont compatibles avec le marché intérieur : […] les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ».

( 5 ) Aux termes de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, « [p]euvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur : […] les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ».

( 6 ) Il s’agit des arrêts du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; Covid-19) (T-643/20, EU:T:2021:286) ; du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (TAP ; Covid-19) (T-465/20, EU:T:2021:284), et du 9 juin 2021, Ryanair/Commission (Condor ; Covid-19) (T-665/20, EU:T:2021:344).

( 7 ) T-379/20, EU:T:2021:195.

( 8 ) Décision relative à l’aide d’État SA.57061 (2020/N) – Suède – Indemnisation des dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19.

( 9 ) Décision C(2020) 2366 final, relative à l’aide d’État SA.56812 (2020/N) – Suède – COVID-19 : régime de garanties de prêts en faveur des compagnies aériennes.

( 10 ) Bien que les présentes conclusions aient pour seul objet l’affaire C-320/21 P, j’observe que les moyens soulevés par Ryanair dans l’affaire C-321/21 P sont en substance identiques.

( 11 ) Disponible à l’adresse Internet suivante : https://ec.europa.eu/competition/state_aid/studies_reports/disaster_aid_checklist_fr.pdf.

( 12 ) Disponible à l’adresse Internet suivante : https://ec.europa.eu/competition/state_aid/what_is_new/Notification_template_107_2_b_PUBLICATION.pdf.

( 13 ) Voir, entre autres, sur l’article 92, paragraphe 2, sous b), du traité CE, arrêt du 23 février 2006, Atzeni e.a. (C-346/03 et C-529/03, EU:C:2006:130, point 79 et jurisprudence citée).

( 14 ) Arrêt du 9 juin 2011, Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, EU:C:2011:368, point 175 et jurisprudence citée).

( 15 ) En l’espèce, je relève que, si la mesure litigieuse n’a pas été adoptée dans le cadre d’un régime d’aides, il ressort toutefois tant de la décision litigieuse (considérant 6) que de l’arrêt attaqué (point 88) que cette mesure s’inscrit dans un cadre réglementaire national qui, à certaines conditions, permet à toutes les compagnies aériennes admises à bénéficier du régime d’aides suédois d’accéder à des mesures analogues. Il existe donc à tout le moins un lien indirect entre ce régime et la mesure litigieuse.

( 16 ) Voir arrêt du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission (730/79, EU:C:1980:209, point 17). Il est bon de préciser à ce propos que, en constatant le caractère non arbitraire du choix du bénéficiaire d’une aide individuelle adoptée en vertu de l’article 107, paragraphe 2, TFUE, la Commission n’exercerait pas un pouvoir discrétionnaire, mais resterait dans les limites d’une opération de qualification juridique.

( 17 ) Tout comme le régime d’aides suédois, la mesure litigieuse accordait à SAS une garantie bancaire ne dépassant pas 1,5 milliard d’euros.

( 18 ) C-73/03, non publié, ci-après l’« arrêt Espagne/Commission , EU:C:2004:711 .

( 19 ) Arrêt du 9 juin 2011, Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, EU:C:2011:368, point 175 et jurisprudence citée).

( 20 ) Arrêt du 23 février 2006, Atzeni e.a. (C-346/03 et C-529/03, EU:C:2006:130, point 79).

( 21 ) Arrêt du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission (C-666/19 P, EU:C:2022:323, points 73 et 74 ainsi que jurisprudence citée).

( 22 ) Approuvé par l’autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE) le 30 mars 2020 sur la base de l’article 61, paragraphe 3, sous b), de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), qui correspond à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (ci-après le « régime d’aides norvégien »).

( 23 ) C-164/15 P et C-165/15 P, EU:C:2016:990, point 92.

( 24 ) C’est à propos de la nécessaire correspondance entre l’indemnisation et les pertes subies et du lien de causalité entre ces dernières et l’événement extraordinaire, au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE que, dans la seconde branche du deuxième moyen de son recours, Ryanair parle de « proportionnalité de l’aide ».

( 25 ) Voir conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity (C-164/15 P et C-165/15 P, EU:C:2016:515, point 62).

( 26 ) JO 2008, C 155, p. 10, ci-après la « communication de 2008 ».

( 27 ) Voir point 4.2 de la communication de 2008.

( 28 ) C-628/11, ci-après l’« arrêt International Jet Management , EU:C:2014:171, point 68.

( 29 ) Arrêt du 27 octobre 2022, ADPA et Gesamtverband Autoteile-Handel (C-390/21, EU:C:2022:837, point 41).

( 30 ) Arrêt du 6 octobre 2022, Contship Italia (C-433/21 et C-434/21, EU:C:2022:760, point 29 et jurisprudence citée).

( 31 ) Voir arrêt du 15 juillet 2021, The Department for Communities in Northern Ireland (C-709/20, EU:C:2021:602, point 65).

( 32 ) Voir arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne (C-591/17, EU:C:2019:504, point 40).

( 33 ) Voir arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C-181/19, EU:C:2020:794, point 78).

( 34 ) Voir arrêt du 3 mars 2020, Tesco-Global Áruházak (C-323/18, EU:C:2020:140, point 55).

( 35 ) Voir arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne (C-591/17, EU:C:2019:504, point 40 et jurisprudence citée).

( 36 ) Voir arrêt du 18 mars 2021, Autoridade Tributária e Aduaneira (Impôt sur les plus-values immobilières) (C-388/19, EU:C:2021:212, point 21).

( 37 ) Voir arrêt du 11 juin 2020, TÜV Rheinland LGA Products et Allianz IARD (C-581/18, EU:C:2020:453, points 31 et 33 ainsi que jurisprudence citée).

( 38 ) Voir mes conclusions dans les affaires jointes World Duty Free Group et Espagne/Commission (C-51/19 P et C-64/19 P, EU:C:2021:51, point 17).

( 39 ) Voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C-885/19 P et C-898/19 P, EU:C:2022:859, point 67).

( 40 ) Voir arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi (74/76, ci-après l’« arrêt Iannelli & Volpi , EU:C:1977:51, point 15).

( 41 ) Voir arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C-51/19 P et C-64/19 P, EU:C:2021:793, point 70).

( 42 ) Voir arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C-51/19 P et C-64/19 P, EU:C:2021:793, point 71).

( 43 ) Voir points 82 et 83 de l’arrêt attaqué.

( 44 ) Voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2022, Laboratoire Pareva/Commission (C-702/21 P, non publié, EU:C:2022:870, point 52).

( 45 ) Voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2015, Commission/MOL (C-15/14 P, EU:C:2015:362, point 59), et du 30 juin 2016, Belgique/Commission (C-270/15 P, EU:C:2016:489, point 48).

( 46 ) Voir, en ce sens, en matière de libre circulation des marchandises, arrêt Iannelli & Volpi, point 15.

( 47 ) Voir, en ce sens, arrêt Iannelli & Volpi, point 10.

( 48 ) Je souligne que, dans la présente affaire, la question de la violation éventuelle des dispositions du traité en matière de liberté d’établissement et de libre prestation des services se pose seulement pour ce qui concerne la mesure litigieuse considérée isolément et, partant, indépendamment du régime d’aides suédois.

( 49 ) Règlement du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (texte codifié) (JO 2015, L 248, p. 9).

( 50 ) Arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology (C-57/19 P, EU:C:2021:663, points 38 et 40).

( 51 ) Arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology (C-57/19 P, EU:C:2021:663, point 64).

( 52 ) C-431/07 P, EU:C:2009:223, point 66.

( 53 ) Voir arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission (C-431/07 P, EU:C:2009:223, point 62).

( 54 ) Voir arrêt du 4 juillet 2007, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission (T-475/04, EU:T:2007:196, points 126, 155 et 156).

( 55 ) Voir point 37 des présentes conclusions.

( 56 ) Arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube (C-891/19 P, EU:C:2022:38, points 87 et 88).

( 57 ) Voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology (C-57/19 P, EU:C:2021:663, point 199).

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CJUE, n° C-320/21, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Ryanair DAC contre Commission européenne, 26 janvier 2023