Décision de la Commission des sanctions du 4 juillet 2011 statuant sur les griefs notifiés à MM. A, B, C et la société X

  • Monétaire et financier·
  • Sanction·
  • Marches·
  • Investissement·
  • Règlement·
  • Commission·
  • Prestataire·
  • Information·
  • Instrument financier·
  • Client

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
AMF, 4 juill. 2011, n° SAN-2011-13
Numéro : SAN-2011-13
Identifiant AMF : SAN-2011-13

Sur les parties

Texte intégral

La Commission des sanctions

DECISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS STATUANT SUR LES GRIEFS NOTIFIES A MM. A, B, C ET A LA SOCIETE X

La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF »),

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 511-10, L. 532-2, L. 533-1, L. 533-11, L. 621-14, L. 621-15, L. 621-17-2 et L. 631-1 dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, ainsi que ses articles R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu la loi n°2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 143-3, 313-1, 313-2, 313-3, 313-6, 314-3, 314-66, 315-73, 621-1, 621-3, 622-1 et 622-2 ;

Vu les notifications de griefs en date du 30 avril 2010, adressées à la société X, ainsi qu’à MM. A et C ;

Vu la décision du 1er juin 2010 du Président de la Commission des sanctions désignant M. Joseph Thouvenel, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 4 juin 2010 informant les mis en cause de la nomination en qualité de rapporteur de M. Joseph Thouvenel et leur rappelant la faculté d’être chacun entendu, à sa demande, conformément à l’article R. 621-39-I. du code monétaire et financier ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 11 juin 2010 informant les mis en cause, en application de l’article R.621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois ;

(…)

Vu le rapport de M. Joseph Thouvenel en date du 28 avril 2011 ;

(…)

Vu la lettre en date du 25 mai 2011 de Maître Henri Brandford-Griffith, pour le compte de M. B sollicitant du Président de la Commission des sanctions l’anonymisation des débats devant se tenir lors de la séance de la Commission des sanctions et la réponse du président de la 2ème section de la Commission des sanctions du 27 juin 2011 ;

—  2 -

Vu la lettre en date du 26 mai 2011 de Maître Diane Pasturel, pour le compte de

M. A sollicitant du Président de la Commission des sanctions l’anonymisation des affiches figurant sur les portes d’entrée de la salle d’audience et des débats devant se tenir lors de la séance de la Commission des sanctions et la réponse du président de la 2ème section de la Commission des sanctions du 27 juin 2011 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 30 juin 2011 :

— M. Joseph Thouvenel en son rapport ;

— M. Brice Masselot, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

— Mme Caroline Mirieu de Labarre, représentant le Collège de l’AMF ;

— (…)

Les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 22 décembre 2008, un ancien salarié de la société X a adressé à l’AMF un courrier dénonçant des pratiques qu’il estimait contraires à la règlementation.

Le 6 février 2009, le secrétaire général de l’AMF a décidé de faire procéder à un contrôle du respect, par la société X, de ses obligations professionnelles en matière de services d’investissement.

Le rapport de contrôle établi par le Service du contrôle des prestataires et des infrastructures de marché (ci-après « SCPIM ») de l’AMF a été notifié le 30 octobre 2009 à la société X qui a déposé le 29 janvier 2010 une lettre d’observations en réponse.

Le 18 mars 2010, le SCPIM a entendu M. C, […] de la société X.

Au vu du rapport de contrôle et sur décision de la Commission spécialisée n° 3, le Président de l’AMF a, par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du 30 avril 2010, notifié les griefs qui leur étaient reprochés à la société X, à son directeur général, M. A, à son président du conseil d’administration, M. B et à C, opérateur de la table de facilitation de la société X.

En substance, il est fait grief :

- à la société X et à M. C d’avoir utilisé le 9 avril 2008 une information privilégiée résidant dans l’existence d’un second ordre de vente de 100 000 titres Veolia, en anticipant le débouclement de l’opération de facilitation qui allait lui être confiée, par la vente pour compte propre de 17 775 actions Veolia, en violation des articles 622-1, 622-2 et 621-3 du règlement général de l’AMF ou, en tout état de cause, en violation de l’article 314-66 du règlement général de l’AMF (rendu applicable à M. C par l’article 315-73 du règlement général de l’AMF) aux termes duquel « le prestataire de services d’investissement ne doit pas exploiter abusivement des informations relatives à des ordres de clients en attente d’exécution et il est tenu de prendre toutes les mesures raisonnables en vue d’empêcher un usage abusif de ces informations par l’une quelconque des personnes concernées mentionnées au II de l’article 313-2 [qui vise notamment les salariés du prestataire de services d’investissement] ».

—  3 -

En privilégiant la vente des titres Veolia réalisée pour compte propre par la table de facilitation au détriment de l’exécution de l’ordre de vente d’un client, la société X aurait commis un manquement aux articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et à l’article 314-3 du règlement général de l’AMF qui prévoit que « le prestataire de services d’investissement agit d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l’intérêt des clients et favorise l’intégrité du marché (…) », M. C aurait, quant à lui, commis un manquement à l’article 314-3 précité, en application de l’article 315-73 du règlement général ;

- à la société X et à M. C concernant la vente, le 3 juillet 2008, d’un bloc de 50 000 actions Gaz de France, d’être intervenus sur le marché, en cédant 25 000 titres

Gaz de France pour compte propre, ce qui représentait 92,96% des ventes sur la plage horaire concernée, d’avoir pesé sur les fourchettes de cotation et ce à l’insu du client avec lequel la société X était en train de conclure une transaction, en violation des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF précité ; M. C aurait, quant à lui, commis un manquement à l’article 314-3 précité, en application de l’article 315-73 du règlement général ;

- à la société X de ne pas avoir déclaré à l’AMF les opérations Veolia et Gaz de France qui avaient pourtant été clairement désignées par le responsable de la conformité pour les services d’investissement (ci-après « RCSI ») comme constitutives d’abus de marché et ce en violation de l’article L. 621-17-2 du code monétaire et financier qui dispose : « les établissements de crédit, les entreprises d’investissement et les membres des marchés réglementés non prestataires de services d’investissement sont tenus de déclarer sans délai à l’Autorité des marchés financiers toute opération sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé (…), effectuée pour compte propre ou pour compte de tiers, dont ils ont des raisons de suspecter qu’elle pourrait constituer une opération d’initié ou une manipulation de cours au sens des dispositions du règlement général de l’Autorité des marchés financiers » ;
- à la société X de ne pas avoir « pris de dispositions d’ordre organisationnel ou disciplinaire suffisantes » créant ainsi « les conditions pour que des opérations comme celles décrites au 1 ci-dessus puissent se reproduire, ce qu’a confirmé le rapport du département conformité du 1er avril 2009 » en violation de l’article 313-1 du règlement général de l’AMF, qui prévoit que « le prestataire de services d’investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques » ;
- à la société X « d’avoir porté préjudice à l’autorité du RCSI » en « ne suivant pas les recommandations de son RCSI de prendre des sanctions disciplinaires pour des faits qualifiés de manquements caractérisés à plusieurs articles du RGAMF », en ne mettant pas « à la disposition de la fonction de conformité des moyens suffisants pour l’exercice de ses missions » et en ne lui ayant pas « donné accès à l’ensemble des informations pertinentes », en violation de l’article 313-3 du règlement général de l’AMF qui prévoit que « la fonction de conformité dispose de l’autorité, des ressources et de l’expertise nécessaires et d’un accès à toutes les informations pertinentes » ; Ces deux derniers manquements seraient également imputables à MM. A et B en leur qualité respective de directeur général et président du conseil d’administration de la société X, tous deux dirigeants responsables au sens des articles L. 511-10 et L. 532-2 du code monétaire et financier, au titre du premier alinéa de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF aux termes duquel « la responsabilité de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance » et du second alinéa de cet article qui dispose « en particulier, les dirigeants et, le cas échéant, l’instance de surveillance évaluent et examinent périodiquement l’efficacité des politiques, dispositifs et procédures mis en place par le prestataire pour se conformer à ses obligations professionnelles et prennent les mesures appropriées pour remédier aux éventuelles défaillances ». Les notifications de griefs précisent que ces faits pourraient donner lieu, à l’encontre de MM. A, B et C et de la société X à une sanction sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.

—  4 -

Conformément à l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, copies des notifications de griefs ont été transmises le 30 avril 2010 au Président de la Commission des sanctions qui, le 1er juin 2010, a désigné M. Joseph Thouvenel en qualité de rapporteur.

MM. A, B et C et la société X en ont été informés par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du 4 juin 2010 leur rappelant la faculté d’être chacun entendu, à sa demande, conformément à l’article R. 621-39-I. du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 11 juin 2010, le secrétariat de la Commission des sanctions a informé les mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

(…)

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 28 avril 2011, auxquelles était annexé le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 9 juin 2011.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 11 mai 2011, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, ces lettres leur précisant la faculté de demander la récusation d’un ou plusieurs des membres de ladite formation, en application des articles R. 621-39-2 et suivants du code monétaire et financier.

(…)

Par lettre en date du 25 mai 2011, Maître Henri Brandford-Griffith, pour le compte de M. B, a sollicité du Président de la Commission des sanctions l’anonymisation des débats devant se tenir lors de la séance de la Commission des sanctions.

Par lettre en date du 26 mai 2011, Maître Diane Pasturel, pour le compte de M. A, a sollicité du Président de la Commission des sanctions l’anonymisation des affiches figurant sur les portes d’entrée de la salle d’audience et des débats devant se tenir lors de la séance de la Commission des sanctions.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 30 mai 2011, les mis en cause ont été informés que la séance de la Commission des sanctions ne pourrait se tenir le 9 juin 2011 et qu’une nouvelle date leur serait communiquée dès qu’elle serait arrêtée.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 10 juin 2011, les mis en cause ont été informés que la séance de la Commission des sanctions se tiendrait le 30 juin 2011 en même temps que leur était communiquée la nouvelle composition de la formation de la Commission lors de cette séance et rappelée leur faculté de demander la récusation d’un ou plusieurs des membres de ladite formation, en application des articles R. 621-39-2 et suivants du code monétaire et financier.

Par lettres du 27 juin 2011, le Président de la 2ème section de la Commission des sanctions a répondu négativement aux demandes formulées par les conseils de MM. A et B par lettres des 25 et 26 mai 2011.

—  5 -

Au début de la séance du 30 juin 2011, le Président a attiré l’attention des mis en cause sur la présence de M. Bernard Field dont le nom n’était pas cité dans les lettres mentionnées plus haut du 10 juin 2011.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A. Sur les exceptions de procédure

Considérant que les mis en cause formulent différentes demandes de nullité de la procédure pour violation par la mission de contrôle de la charte de conduite d’une mission de contrôle sur place, pour violation des droits de la défense et de la présomption d’innocence et au titre du défaut d’impartialité de la mission de contrôle ;

1. Sur la violation alléguée de la charte de conduite d’une mission de contrôle sur place

Considérant qu’il est reproché à la mission de contrôle de ne pas avoir entendu toutes les personnes susceptibles de lui fournir les informations utiles et de ne pas s’être assurée d’une bonne implication de la direction générale, en violation de la charte de conduite d’une mission de contrôle sur place ;

Considérant que l’article 143-3 du règlement général de l’AMF prévoit la faculté offerte aux personnes chargées de la mission d’entendre « toute personne agissant pour le compte ou sous l’autorité de la personne contrôlée et susceptible de leur fournir des informations qu’elles estiment utiles à leur mission » et que la charte de conduite d’une mission de contrôle sur place précise que « la présence d’un représentant de [la] direction générale, lors de la présentation par le chef de mission des constats effectués, constitue une bonne pratique, encouragée par l’AMF » ;

Considérant en premier lieu qu’il résulte des propres observations de M. A, directeur général de la société X, que celui-ci a été entendu par les personnes chargées de la mission de contrôle ;

Considérant en second lieu que, concernant l’absence d’audition de M. B avant l’envoi à titre personnel d’une notification de griefs, cette circonstance, tout aussi regrettable qu’elle soit, n’est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les demandes de nullité formulées sur ce point doivent être écartées ;

2. Sur le défaut allégué d’impartialité des personnes chargées de la mission de contrôle et la violation alléguée des droits de la défense

Considérant que M. A conclut à la nullité de la procédure pour défaut d’impartialité des contrôleurs de l’AMF en relevant que l’équipe de contrôle aurait concentré l’ensemble de ses contrôles sur les faits dénoncés par un salarié en cours de licenciement et que le manque d’objectivité se serait poursuivi dans la mesure où la mission de contrôle aurait fondé ses observations sur les seules analyses du responsable de la conformité pour les services d’investissement (RCSI) ;

Considérant que M. C relève que la mission de contrôle l’a entendu postérieurement à la communication de son rapport de contrôle à la société X et à la formulation par celle-ci d’observations sur ce rapport de contrôle ; que, selon lui, le débat contradictoire permettant l’exercice des droits de la défense de l’entité contrôlée était susceptible de lui bénéficier et que la Commission spécialisée du Collège n’avait pas été en mesure de se prononcer sur l’intégralité des constats de la mission de contrôle ;

Considérant que les critiques relatives au défaut d’impartialité de la mission de contrôle visent une période antérieure à l’ouverture de la procédure contradictoire, qu’aucune attitude déloyale de la part de la mission

—  6 -

de contrôle n’est démontrée, celle-ci ayant notamment fait part dès l’abord à la société contrôlée du champ de son contrôle, et qu’il n’est pas contesté que les mis en cause ont pu présenter durant la phase contradictoire, tant devant le rapporteur qu’à la suite de son rapport ainsi que lors de la séance de la Commission des sanctions, des observations relativement aux manquements qui leur étaient reprochés, conformément aux droits de la défense ; que dès lors les demandes de nullité formées sur ces points ne peuvent qu’être écartées ;

3. Sur la violation alléguée de la présomption d’innocence

Considérant que M. A fait également grief à l’AMF d’avoir au début de l’année 2010 contacté le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (ci-après « CECEI ») et de lui avoir demandé, en violation de la présomption d’innocence, – alors même que la société X n’avait pas encore formulé d’observations au rapport de contrôle – la suspension [d’une opération de rapprochement], en laissant entendre qu’une procédure disciplinaire allait être ouverte à l’encontre de la société X ; que le report de la fusion par le CECEI à la suite de cette demande de l’AMF aurait porté atteinte à sa réputation de dirigeant et de professionnel de la finance, en violation du principe de la présomption d’innocence ;

Considérant qu’une coopération entre le CECEI – dont la fusion avec d’autres institutions a conduit à la formation de l’Autorité de contrôle prudentiel (ci-après « ACP ») – et l’AMF, et ce y compris pour des « informations couvertes par le secret professionnel », est expressément prévue par l’article L. 631-1 du code monétaire et financier ; que toutefois, en l’espèce, M. An’apporte ni la preuve d’un tel contact, ni encore moins de son contenu, ni de ce qu’il aurait été porté atteinte à sa réputation ; de sorte que l’exception sera écartée ;

Considérant que [pour] la société X [il est soulevé] également une exception de nullité tirée de ce que le compte rendu d’entretien de M. C n’aurait pas été porté à la connaissance de la Commission spécialisée n° 3 du Collège de l’AMF ; que toutefois il résulte de la notification de griefs adressée à M. C que « la Commission spécialisée a pris connaissance du rapport ainsi que de la lettre d’observations de la société X le 29 janvier 2010 ainsi que du compte rendu de l’entretien que vous avez eu le 18 mars dans les locaux de l’AMF avec la mission de contrôle » ; de sorte que l’exception manque en fait ;

Considérant qu’il est également reproché à l’AMF d’avoir inclus au dossier la lettre de dénonciation adressée à l’AMF par un ancien salarié de la société X le 28 décembre 2008, en violation de l’article L. 621-17-6 du code monétaire et financier, qui prévoit l’interdiction « de révéler les informations recueillies en application de l’article L. 621-17-2 » ;

Considérant que l’article L. 621-17-2 du code monétaire et financier impose aux « établissements de crédit, [aux] entreprises d’investissement et [aux] les membres des marchés réglementés non prestataires de services d’investissement de déclarer sans délai à l’Autorité des marchés financiers toute opération sur des instruments financiers ou des actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1, effectuée pour compte propre ou pour compte de tiers, dont ils ont des raisons de suspecter qu’elle pourrait constituer une opération d’initié ou une manipulation de cours au sens des dispositions du règlement général de l’Autorité des marchés » ; que l’ancien salarié de la société X dont il s’agit ne saurait relever de l’une des catégories visées à l’article précité, de sorte que sa lettre ne peut à l’évidence pas être considérée comme une déclaration d’opérations suspectes ; que la demande de nullité fondée sur ce point sera également écartée ;

B. Sur les griefs notifiés 1. Sur l’opération portant sur les titres Veolia Considérant que l’activité de facilitation consiste, pour un prestataire de services d’investissement, à proposer à ses meilleurs clients, un prix ferme sur une certaine quantité de titres ; qu’après accord du

—  7 -

client sur ce prix, le prestataire réalise la transaction pour compte propre en se portant contrepartie de l’ordre du client, qui lui transfère ainsi le risque de marché ;

Considérant que le 9 avril 2008, et ce alors qu’il venait d’être consulté par un sales trader de la société X pour une demande de prix portant sur 100 000 titres Veolia pour le compte d’un client, M. C, […] de la société X, a vendu pour le compte propre de celle-ci 17 775 actions Veolia, sans attendre l’accord du client sur ce prix ;

Considérant qu’il ressort de la retranscription des conversations téléphoniques que lors de la consultation de M. C sur la fixation d’un prix, le sales trader lui a indiqué « Bon, bosse-là un petit peu, là il est parti 10 minutes boire un café. Eh, je te… Bosse-là un petit peu, si tu veux, moi j’en ai 100 000 en main là. Tu vois ? Et dès qu’il revient je te rappelle tout de suite, hein t’as qu’à bosser un petit « chouilla » d’accord ? » ; qu’il est ainsi établi que le sales trader faisait référence tout à la fois à la demande de prix portant sur 100 000 titres mais également à un ordre de vente séparé portant également sur 100 000 titres Veolia – ou à la fraction d’un ordre global de vente de 200 000 titres qu’il avait entrepris de « travailler » lui-même ; Considérant qu’il est fait grief à la société X et à M. C d’avoir utilisé une information privilégiée résidant dans l’existence d’un second ordre de vente de 100 000 titres Veolia, en violation des articles 622-1, 622-2 et 621-3 du règlement général de l’AMF ou, en tout état de cause, en violation de l’article 314-66 (rendu applicable à M. C par l’article 315-73 du règlement général de l’AMF) ;

Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés. » ; qu’aux termes de l’article 621-3 du même règlement général de l’AMF : « pour les personnes chargées de l’exécution d’ordres concernant des instruments financiers, constitue également une information privilégiée toute information transmise par un client qui a trait aux ordres en attente de ce client, est d’une nature précise, se rapporte directement ou indirectement à un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers ou à un ou plusieurs instruments financiers et serait susceptible, si elle était rendue publique, d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés … » ; qu’enfin aux termes de l’article 622-2 du même règlement, toute personne qui détient une information privilégiée « … doit s’abstenir d’utiliser l’information qu’elle détient en acquérant ou en cédant ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information » ;

1.1. Sur le manquement d’initié et le manquement à l’article 621-3 du règlement général de l’AMF (« front running ») Considérant qu’aux termes de la notification de griefs, l’information « portant sur l’ordre en attente (…) qui avait été communiquée à la table de facilitation par le sales trader était d’une nature précise, puisqu’elle visait tout à la fois l’identité du client, le titre concerné, le sens de l’ordre, sa taille, et le fait qu’il devait être exécuté sur le marché. Elle était en outre, si elle avait été rendue publique, susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre. Compte tenu en effet des conditions de marché au moment des transactions susvisées, un investisseur raisonnable aurait pu anticiper que l’exécution d’un ordre de cette taille était de nature à faire décaler significativement à la baisse la fourchette de cotation et aurait pu utiliser cette information comme l’un des fondements d’une décision de désinvestissement » ; Considérant que si un tel ordre en attente renvoie bien à un « événement qui est susceptible de se produire » qui est inconnu du public, et dont l’exécution ne manquerait pas d’exercer une influence au moins temporaire sur le cours de l’action dont il s’agit, la simple référence « aux conditions de marché » du moment ne permet pas, à elle seule, de démontrer qu’un « investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser cette information comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » eu égard notamment aux 350 000 titres déjà échangés au moment de la conversation téléphonique le 9 avril 2008 à 10h30 et au volume quotidien échangé le même jour, de 2,9 millions de titres ; que, dès lors, il n’est pas

—  8 -

suffisamment établi que l’information « résidant dans l’existence d’un second ordre de 100 000 titres de la part du même client » était une information qui « serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés » ; qu’il résulte de ce qui précède que le grief tiré d’une violation des articles 622-1 et 622-2 sera écarté ;

Considérant qu’il résulte également de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’éventuelle qualité de « chargé de l’exécution d’ordres » de M. C, qu’il y a lieu d’écarter le grief tiré d’une violation de l’article 621-3 du règlement général de l’AMF ;

1.2. Sur le manquement tiré de l’exploitation abusive de l’information relative à l’existence d’un second ordre Considérant que, selon les notifications de griefs, le débouclement par anticipation de l’opération de facilitation constituerait « en tout état de cause » l’exploitation abusive de l’information relative à l’existence d’un second ordre de 100 000 titres, en violation de l’article 314-66 du règlement général de l’AMF qui dispose que « le prestataire de services d’investissement ne doit pas exploiter abusivement des informations relatives à des ordres de clients en attente d’exécution et il est tenu de prendre toutes les mesures raisonnables en vue d’empêcher un usage abusif de ces informations par l’une quelconque des personnes concernées mentionnées au II de l’article 313-2 » qui vise notamment les salariés d’un prestataire de services d’investissement ;

Considérant qu’il résulte de la retranscription de la conversation téléphonique précitée que le sales trader précisait à M. C qu’il avait également en main un ordre de vente portant sur un montant identique de 100 000 titres Veolia et qu’il incitait ce dernier à commencer à déboucler par anticipation l’opération de facilitation à venir, étant presque certain que le client allait accepter le prix proposé ; que ce débouclement par anticipation, s’analysant comme une vente de titres pour compte propre avant l’accord éventuel du client, contrevenait par ailleurs à des règles internes à la société X, consistant tant en l’interdiction d’agir sur le marché avant l’acceptation du prix par le client qu’en l’interdiction d’agir pour compte propre lorsqu’un ordre d’un client était en attente d’exécution ;

Considérant que l’opération de vente pour compte propre décrite ci-dessus a suivi la communication à une personne chargée d’exécuter des transactions pour compte propre, d’informations qui, sans revêtir le caractère d’informations privilégiées, n’en étaient pas moins « des informations relatives à des ordres de clients en attente d’exécution » de nature à influer sur le prix proposé dans le cadre de la facilitation ; qu’elle constitue bien une « exploitation abusive » de ces informations au sens de l’article 314-66 précité du règlement général de l’AMF ;

1.3. Sur le manquement à l’obligation d’agir de manière honnête loyale et professionnelle Considérant qu’il est également fait grief à la société X et à M. C d’avoir privilégié les interventions pour compte propre de la société X à l’exécution sur le marché d’un ordre pour le compte de tiers ; que ces interventions pour compte propre ont pu contribuer à faire décaler à la baisse la fourchette de cotation acheteur / vendeur ; que d’ailleurs ce décalage s’est accompagné d’une modification à la baisse du prix proposé à ce même client et que ce comportement serait contraire aux dispositions des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et de l’article 314-3 du règlement général ;

Considérant, en premier lieu, qu’il convient d’étendre à M. C le bénéfice de la mention de la notification de griefs adressée à la société X aux termes de laquelle les interventions faites à l’insu du client « n’ont sans doute pas porté préjudice à l’ensemble des acteurs du marché » ;

Considérant toutefois qu’en continuant à exécuter pour compte propre des ordres de vente alors que la société X détenait un ordre de vente pour le compte de tiers, la société X n’a pas agi « d’une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l’intégrité du marché » « servant au mieux les intérêts des clients » au sens des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et de l’article 314-3 du règlement général précités ;

—  9 -

2. Sur l’opération portant sur les titres Gaz de France

Considérant qu’il est encore fait grief à la société X et à M. C d’être intervenus sur le marché, en cédant, le 3 juillet 2008, 25 000 titres Gaz de France pour compte propre, ce qui représentait 92,96% des ventes sur la plage horaire concernée, d’avoir pesé sur les fourchettes de cotation et ce à l’insu du client avec lequel la société X était en train de conclure une transaction concernant la vente d’un bloc de 50 000 actions Gaz de France, en violation des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF précités ; que M. C aurait, quant à lui, commis un manquement à l’article 314-3 précité, en application de l’article 315-73 du règlement général ;

Considérant que si l’activité de facilitation conduit d’abord à proposer un prix à une personne qui, avant qu’elle ne consente à accepter celui-ci, n’est pas encore enfermée dans une relation contractuelle avec le facilitateur au titre de l’opération à laquelle elle entend procéder, cette activité a toutefois vocation à répondre aux demandes des clients les plus importants du prestataire de services d’investissement chez lequel cette activité de facilitation est logée, de sorte qu’en débouclant par anticipation et ce alors que la société X, en sa qualité de professionnel, ne pouvait ignorer que ce débouclage avant d’avoir obtenu l’accord du client était susceptible de peser sur le prix qu’elle allait lui proposer la société X n’a pas agi « de manière honnête, loyale et professionnelle qui favorise l’intégrité du marché » au sens des articles L. 533-1 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF ; que ce manquement à l’article 314-3 du règlement général de l’AMF est également imputable à

M. C en application de l’article 315-73 du règlement général de l’AMF ;

3. Sur les manquements liés à la fonction de conformité

Considérant qu’il est également fait grief à la société X, d’une part, « en ne prenant pas de dispositions d’ordre organisationnel ou disciplinaire suffisantes, [d’avoir] créé les conditions pour que des opérations comme celles décrites au 1 ci-dessus puissent se reproduire, ce qu’a confirmé le rapport du département conformité du 1er avril 2009 », et d’autre part « d’avoir porté préjudice à l’autorité du RCSI » en « ne suivant pas les recommandations de son RCSI de prendre des sanctions disciplinaires pour des faits qualifiés de manquements caractérisés à plusieurs articles du règlement général de l’AMF », en ne mettant pas « à la disposition de la fonction de conformité des moyens suffisants pour l’exercice de ses missions » et en ne lui ayant pas « donné accès à l’ensemble des informations pertinentes », en violation des articles 313-1 et 313-3 du règlement général de l’AMF ; Considérant que ces manquements ont également été notifiés à MM. A et B en leur qualité respective de directeur général et président du conseil d’administration de la société X, tous deux dirigeants responsables au sens des articles L. 511-10 et L. 532-2 du code monétaire et financier, au titre du premier alinéa de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF aux termes duquel « la responsabilité de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance » et du second alinéa de cet article qui dispose : « en particulier, les dirigeants et, le cas échéant, l’instance de surveillance évaluent et examinent périodiquement l’efficacité des politiques, dispositifs et procédures mis en place par le prestataire pour se conformer à ses obligations professionnelles et prennent les mesures appropriées pour remédier aux éventuelles défaillances » ;

Considérant que la notification de griefs relève d’une part que « après avoir été le témoin des conditions dans lesquelles avait été traitée l’opération de vente des 100 000 titres Veolia du 3 juillet 2008, [un collègue de l’] opérateur de la table de facilitation avait exprimé oralement sa désapprobation à [celui-ci]

puis par courriel à son représentant hiérarchique (…). Ce même jour, il recevait un courriel de ce dernier indiquant que son comportement est inacceptable car il a mis Monsieur C et donc la société X en situation de risque opérationnel important » et d’autre part que « l’opérateur à l’origine des manquements allégués n’a pas été sanctionné mais simplement rappelé à l’ordre oralement et la personne qui les a dénoncés sera licenciée par lettre du 4 octobre 2008 » ;

—  10 -

Considérant que la notification de griefs adressée à la société X fait référence à deux reprises au rapport établi par la fonction conformité du 1er avril 2009 (cote 38) qui aurait conclu « à la réalisation, par le même opérateur, d’une opération dans des conditions analogues à celles dénoncées dans les notes de juillet et août 2008, sans que l’opérateur ne soit sanctionné malgré la récidive » (cote 248) ; que toutefois, le rapport de contrôle précise, à propos de cette opération : « les faits ont été portés à la connaissance de la mission de contrôle de l’AMF en fin de contrôle et n’étaient pas dans le périmètre défini en début de mission. La mission de contrôle n’a donc pas vérifié les investigations de la conformité » (cote 162) ; qu’au demeurant le 27 mai 2009, M. A a adressé à M. C un deuxième rappel à l’ordre par lettre remise en main propre contre décharge concernant le débouclement anticipé de cette opération négociée le 15 janvier 2009, dont l’anticipation portait sur 663 titres (2,62% du bloc) et ayant généré un gain de 21,63 euros ; que les faits postérieurs relatifs à cette opération improprement qualifiés de « récidive » par la notification de griefs seront donc écartés de la présente procédure ;

3.1. S’agissant des mesures prises par la société X, des moyens mis à la disposition de la fonction conformité et de son accès aux informations pertinentes

Considérant, en premier lieu, que la notification de griefs adressée à la société X vise également la note du 11 juillet 2008 du département conformité selon laquelle la réorganisation des postes de travail, ayant conduit à rapprocher vendeurs et facilitateurs, nuisait à la traçabilité des opérations effectuées puisqu’elle permettait la transmission d’instructions à la voix entre les deux équipes, en violation de l’article 313-1 qui dispose « le prestataire de services d’investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques. Pour l’application de l’alinéa précédent, le prestataire de services d’investissement tient compte de la nature, de l’importance, de la complexité et de la diversité des services d’investissement qu’il fournit et des activités qu’il exerce » ;

Considérant toutefois qu’il ressort des éléments du dossier que le 25 juillet 2008, le directeur général délégué – Client Liquidity & Execution Service de la société X a adressé un « bref rappel des bonnes pratiques applicables lors de demandes de prix et [des] conséquences qu’elles impliquent en matière de mode opératoire du traitement de ces demandes », dont chaque trader devait confirmer avoir pris connaissance, qui confirmait que « le débouclement d’une position obtenue à la suite de cette demande ne doit se faire qu’à partir du moment où le Sales Trader confirme formellement à la facilitation sur un support enregistré l’acceptation par le client de la transaction » ; qu’au demeurant, les faits ayant conduit à la présente affaire sont précisément fondés sur des enregistrements et que l’opération sur les titres Veolia est antérieure au déménagement de la table de facilitation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que malgré la première réaction « surprenante » du supérieur hiérarchique lors du processus « d’alerte éthique », les procédures mises en place ont permis au département compliance d’être saisi et de procéder à une analyse complète des différentes opérations de facilitation dans lesquelles le débouclage avait été anticipé, de sorte que « la nuisance à la traçabilité des ordres » visée par les notifications de griefs n’est pas suffisamment établie ; que le grief sera donc écarté sur ce point ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 313-3 « afin de permettre à la fonction de conformité de s’acquitter de ses missions de manière appropriée et indépendante, le prestataire de services d’investissement veille à ce que les conditions suivantes soient remplies : la fonction de conformité dispose de l’autorité, des ressources et de l’expertise nécessaires et d’un accès à toutes les informations pertinentes […] » ;

Considérant, d’une part, que la Commission des sanctions n’est pas compétente pour apprécier dans le cadre de l’examen du présent grief l’adéquation des sanctions prononcées par la société X à l’encontre de M. C ;

Considérant, d’autre part, que la notification de griefs reproche à la société X le « manque de moyens mis à la disposition de la fonction conformité ainsi qu’un accès insuffisant aux informations pertinentes »,

—  11 -

caractérisés par l’absence de communication des résultats mensuels de la table de facilitation et par l’utilisation d’un outil de détection des opérations d’abus de marché mal paramétré ;

Considérant qu’en l’état du dossier aucun élément ne permet de montrer en quoi les résultats mensuels de la table de facilitation, constitueraient une « information pertinente » et ce alors que le RCSI avait accès aux résultats journaliers et hebdomadaires – dont il pouvait par consolidation déduire le résultat mensuel ;

Considérant toutefois, en ce qui concerne le principal outil de détection des opérations d’abus de marché, que, d’une part, il n’est pas contesté que le paramétrage non adapté à l’activité de la société X avait généré au cours de l’année 2008, un total de 22 000 alertes dont 6 800 étaient restées inexploitées à la fin de l’année 2008, d’autre part, ni la création d’une équipe dédiée à la résorption du stock d’alertes non traitées, ni la modification des paramètres des scenarii pour réduire le nombre d’alertes pertinentes à traiter, ne remettent en cause le fait que la fonction conformité ne disposait pas, au moment des faits, « de l’autorité, des ressources et de l’expertise nécessaires et d’un accès à toutes les informations pertinentes » au sens de l’article 313-3 du règlement général de l’AMF ; que dès lors le manquement sur ce point est caractérisé ;

3.2. S’agissant des griefs notifiés à MM. A et B

Considérant, en premier lieu, que tant M. A que M. B, quels que soient leurs degrés respectifs d’engagement dans des fonctions opérationnelles chez la société X, avaient la qualité de dirigeant au sens des articles L. 511-10 et L. 532-2 du code monétaire et financier ; qu’ils sont en effet tous deux désignés dans la demande d’agrément acceptée par le CECEI en juin 2007 comme « dirigeants responsables » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF, « la responsabilité de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance » ; qu’il suit de là que le manquement relevé à l’encontre de la société X est également imputable à MM. A et B ;

4. Sur la non-déclaration d’opérations suspectes à l’AMF

Considérant qu’aux termes de la notification de griefs, il est encore reproché à la société X de « ne pas avoir déclaré à l’AMF les opérations Veolia et Gaz de France qui avait été clairement désignées, dans ses notes des 11 juillet, 22 juillet et 25 août 2008 par son responsable de la conformité pour les services d’investissement (RCSI) comme constitutives d’abus de marché, qualification qu’elle n’avait pas remise en cause à la date du contrôle » et ce en violation de l’article L. 621-17-2 du code monétaire et financier qui dispose : « les établissements de crédit, les entreprises d’investissement et les membres des marchés réglementés non prestataires de services d’investissement sont tenus de déclarer sans délai à l’Autorité des marchés financiers toute opération sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé (…), effectuée pour compte propre ou pour compte de tiers, dont ils ont des raisons de suspecter qu’elle pourrait constituer une opération d’initié ou une manipulation de cours au sens des dispositions du règlement général de l’Autorité des marchés financiers » ;

Considérant qu’il est établi que la note du 11 juillet 2008 du département conformité visait un possible manquement de front running sur le fondement de l’article 621-3 du règlement général de l’AMF – qui est un manquement d’initié spécifique visant une information privilégiée « transmise par un client qui a trait aux ordres en attente de ce client » utilisée par les « personnes chargées de l’exécution des ordres » – et que la note du 22 juillet 2008 visait notamment une possible utilisation d’information privilégiée et une manipulation de cours sur la cession de titres Veolia ; que ces notes faisaient bien état d’opérations dont la société X avait des raisons de suspecter qu’elles pourraient constituer des opérations d’initié ou des manipulations de cours au sens des dispositions du règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;

Considérant qu’une réunion a eu lieu le 2 septembre 2008 à laquelle ont notamment participé M. A, le responsable de la conformité du groupe X’, le responsable de la conformité de la banque de financement et d’Investissement de X’ et le responsable de la conformité de la société X ; qu’il ne ressort pas de son

—  12 -

compte rendu (cote 42) la remise en cause de l’analyse menée par le département conformité qui concluait à la possible commission d’opérations d’initié ou de manipulations de cours, mais au contraire que l’objet de la réunion était de déterminer les éventuelles sanctions à infliger à M. C ;

Considérant que le fait que la notification de griefs n’ait pas pris en compte une éventuelle manipulation de cours et que la Commission des sanctions ne retienne pas la qualification d’opération d’initié ne fait pas obstacle à la constatation d’un manquement à l’article L. 621-17-2 du code monétaire et financier en l’absence d’élément permettant de montrer que la direction de la société X avait catégoriquement remis en cause l’analyse menée par le département conformité, qui concluait à la possible « constitution d’une opération d’initié ou une manipulation de cours au sens des dispositions du règlement général de l’Autorité des marchés financiers » ; qu’il n’a été ni allégué pendant l’instruction ni soutenu à l’audience que la qualification d’opération suspecte aurait été explicitement écartée par la direction de la société X ; que le manquement est par suite caractérisé ;

C. Sur les sanctions et la publication de la décision

1. Sur l’imputabilité des griefs retenus et sur le quantum de la sanction

Considérant que l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce issue de la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007, dispose que « II. La Commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l’article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l’article L. 613-21 ; b) Les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l’article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l’article L. 613-21 (…) ; / III. Les sanctions applicables sont : a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c et d du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; (…)

Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements » ;

(…)

Considérant que dans les circonstances de l’espèce eu égard notamment à l’exploitation abusive des informations en attente d’exécution, à la violation à deux reprises de l’obligation d’agir d’une manière honnête loyale et professionnelle qui favorise l’intégrité des marchés, à l’absence de déclaration à l’AMF d’opérations pourtant expressément désignées par le RCSI comme potentiellement constitutives d’opération d’initié ou de manipulation de cours, qui constituent des manquements « de nature à porter

—  13 -

atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché » au sens de l’article L. 621-14 I du code monétaire et financier, ainsi qu’aux insuffisances relatives à la fonction conformité, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en prononçant à l’encontre de [la personne morale sanctionnée] une sanction de 250 000 euros ;

Considérant qu’à deux reprises, alors qu’il était consulté pour une demande de prix,

M. C a anticipé l’accord du client en intervenant en sens inverse sur le marché pour le compte de la société X, ce qui pouvait contribuer à influencer le cours du titre en violation de l’obligation d’agir d’une manière honnête loyale et professionnelle qui favorise l’intégrité des marchés ; que concernant l’opération portant sur les titres Veolia, M. C qui ne pouvait ignorer l’existence de l’ordre pour compte de tiers a décidé de privilégier la vente de titres pour compte propre de la société X au détriment de l’ordre d’un client ; qu’en conséquence il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en prononçant à l’encontre de M. C une sanction pécuniaire de 35 000 euros ;

Considérant que MM. A et B ont été désignés dans l’agrément de la société X comme « devant assurer la détermination effective et l’orientation de l’activité » au sens de l’article L. 511-13, visé par l’article L. 511- 10 du code monétaire et financier ; qu’à ce titre, ils sont débiteurs au premier chef de l’obligation de s’assurer que « le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles » au sens de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF ; qu’en l’espèce la déficience du principal système de détection des abus de marché permet d’établir que la fonction conformité ne disposait pas, au moment des faits, « de l’autorité, des ressources et de l’expertise nécessaires et d’un accès à toutes les informations pertinentes » au sens de l’article 313-3 du règlement général de l’AMF ; que ce manquement revêt une particulière gravité en ce qu’il fait obstacle à la détection de possibles abus de marchés qui sont préjudiciables à l’ensemble des acteurs du marché ; qu’en conséquence il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en prononçant à l’encontre de MM. A et B une sanction pécuniaire de 35 000 euros chacun ;

2. Sur la publication

Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné aux personnes qui y sont sanctionnées ; qu’il y aura toutefois lieu de prévoir qu’elle sera faite par extraits (…);

—  14 -

PAR CES MOTIFS

Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Jean-Claude Hassan, par Mme Marie-Hélène Tric et MM. Bernard Field et Guillaume Jalenques de Labeau, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,

DÉCIDE DE :

— prononcer à l’encontre de [chacune des personnes physiques mises en cause] une sanction pécuniaire de 35 000 € (trente cinq mille euros) ;

— prononcer à l’encontre de [la personne morale sanctionnée] une sanction pécuniaire de 250 000 € (deux cent cinquante mille euros) ;

— publier [les principaux extraits de] la présente décision sur le site internet de l’Autorité des marchés financiers et dans le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions, (…).

À Paris, le 4 juillet 2011

La Secrétaire de séance Le Président,

Brigitte Letellier Jean-Claude Hassan

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du Code monétaire et financier.

Document Outline

  • (…)
  • Considérant que dans les circonstances de l’espèce eu égard notamment à l’exploitation abusive des informations en attente d’exécution, à la violation à deux reprises de l’obligation d’agir d’une manière honnête loyale et professionnelle qui favorise …
  • Considérant qu’à deux reprises, alors qu’il était consulté pour une demande de prix, M. C a anticipé l’accord du client en intervenant en sens inverse sur le marché pour le compte de la société X, ce qui pouvait contribuer à influencer le cours du ti…
  • Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné aux personnes qui y sont sanctionnées ; qu’il y aura toutefois lieu de prévoir qu’elle sera fai…
  • PAR CES MOTIFS
  • Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Jean-Claude Hassan, par Mme Marie-Hélène Tric et MM. Bernard Field et Guillaume Jalenques de Labeau, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Décision de la Commission des sanctions du 4 juillet 2011 statuant sur les griefs notifiés à MM. A, B, C et la société X