Cour d'appel de Paris, 31 janvier 2013

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Chronologie de l’affaire

Commentaires9

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www.simonassocies.com · 9 mars 2024

Constitue une entente anticoncurrentielle le fait pour un franchiseur de restreindre la vente en ligne et la vente aux professionnels à ses franchisés Aut. conc., déc. n° 24-D-02 du 6 févr. 2024 Ce qu'il faut retenir : Est sanctionné pour avoir mis en œuvre des pratiques en violation des articles 101 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) et L.420-1 du Code de commerce le franchiseur qui restreint la vente en ligne des produits par les franchisés ainsi que les ventes des franchisés à une clientèle professionnelle. Pour approfondir : Par une décision n° …

 

Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

CA Paris, 25 mai 2016, n°14/03918 Internet et la vente en ligne viennent-ils mettre à mal la possibilité de développement d'un réseau de distribution sélective ? Une exemption catégorielle ou individuelle est possible pour ces réseaux en vertu du Règlement 2790/1999, sous conditions… Ce qu'il faut retenir : Internet et la vente en ligne viennent-ils mettre à mal la possibilité de développement d'un réseau de distribution sélective ? Une exemption catégorielle ou individuelle est possible pour ces réseaux en vertu du Règlement 2790/1999, sous conditions. En l'espèce, les clauses noires …

 

Village Justice · 25 novembre 2013

La vente sur Internet dans le cadre de la distribution sélective est désormais autorisée par les autorités et juridictions nationales ainsi que par les instances européennes. Contrairement à la plupart des grands groupes qui ont finalement accepté d'adopter les engagements dictés par l'Autorité de la concurrence de supprimer de leurs conditions générales d'agréments les clauses interdisant la vente par Internet, la Société Pierre Fabre Cosmétique continue, elle, de faire de la résistance. ( Chambre commerciale, 24 septembre 2013, CDS et autres c/ PIERRE FABRE Demo-comestique) Cependant, …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 31 janv. 2013
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision précédente : Autorité de la concurrence, 28 octobre 2008, N° 08-D-25

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5-7

ARRÊT DU 31 JANVIER 2013

(n° 10, 23 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 2008/23812

Décision déférée à la Cour : n° 08-D-25 rendue le 29 octobre 2008

par le CONSEIL DE LA CONCURRENCE

DEMANDERESSE AU RECOURS :

— La société E F S-T, S.A.S.

prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est : XXX

assistée par :

— la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES

avocats associés au barreau de PARIS

XXX

— Maître Jérôme PHILIPPE,

avocat au barreau de PARIS

XXX

XXX

EN PRÉSENCE DE :

— M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTORITE DE LA CONCURRENCE

XXX

XXX

représenté par Mme Laure GAUTHIER, munie d’un pouvoir

— M. B DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTÉRIEUR

D.G.C.C.R.F

XXX

XXX

représentée par M. André MARIE, muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 octobre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

— M. Christian REMENIERAS, Président

— Mme C D, Conseillère

— Mme N O-P, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

MINISTÈRE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par François VAISSETTE, Substitut Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Christian REMENIERAS, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.

* * * * * *

Le Conseil de la concurrence (devenu l’Autorité de la concurrence et ci-après le Conseil ou l’Autorité) s’est, le 27 juin 2006, saisi d’office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle.

Ces produits, n’entrant pas dans la catégorie des médicaments, ne sont pas soumis au monopole des pharmaciens et peuvent donc être commercialisés en dehors du circuit officinal.

Parmi ces produits, l’instruction de la saisine s’est concentrée sur ceux, haut de gamme, distribués par l’intermédiaire de systèmes de distribution sélective et offerts à la vente avec le conseil d’un pharmacien, étant précisé que les distributeurs de ces produits sont, outre les pharmacies – qui en 2007 assuraient plus des deux tiers des ventes-, les parapharmacies indépendantes ou intégrées à l’intérieur de grandes surfaces, ainsi que les parfumeries. L’instruction a porté sur les pratiques, mises en oeuvre par les onze sociétés les plus importantes du secteur, consistant à refuser ou à restreindre la vente en ligne de ces produits.

Après communication par le rapporteur du Conseil de préoccupations de concurrence concernant les conditions trop restrictives ou l’interdiction totale de la vente sur Internet des produits vendus en distribution sélective, dix des onze fabricants en cause se sont engagés à modifier leurs contrats de distribution sélective afin de prévoir la possibilité pour les membres de leur réseau de vendre leurs produits sous certaines modalités par Internet.

Le Conseil, après avoir admis le recours à la procédure d’engagements, a, par décision n°07-D-07 du 8 mars 2007, accepté et rendu obligatoires les engagements proposés par ces dix entreprises.

La société E F n’a pas souhaité prendre d’engagements. Une procédure contentieuse a été poursuivie à son égard.

La société E F S-T (ci-après, E F ou Z) est une filiale de la société E F SA, holding du groupe E F. Elle a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle. Elle possède plusieurs filiales, dont les laboratoires de cosmétiques Avène, Klorane, Y et Ducray. En 2007, elle détenait 20% des parts du marché des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseil d’un pharmacien.

Les contrats de distribution émis par la société E F pour ses produits cosmétiques et d’hygiène corporelle de marque Avène, Klorane, Y et Ducray précisent que les ventes doivent être réalisées dans un espace physique dont les critères sont définis avec précision et avec la présence obligatoire d’un diplômé en pharmacie.

Ces exigences contractuelles excluant de facto toute vente par l’intermédiaire d’Internet, il a été fait grief à la société Z d’empêcher ses distributeurs agréés de vendre sur Internet les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle de marques Avène, Klorane, Y et Ducray en infraction avec les articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité CE (devenu article 101 A), ce grief concernant l’interdiction faite par Z, à ses distributeurs agréés qui disposent de points de vente physiques avec la présence obligatoire d’un pharmacien, de développer la vente de leurs produits par Internet.

Par décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008 (la Décision), le Conseil de la concurrence a dit l’infraction établie et a enjoint à la société Z de prévoir dans ses contrats de distribution sélective la possibilité pour ses distributeurs de recourir à la vente par Internet et de transmettre à l’ensemble de ses points de vente une lettre leur annonçant les modifications apportées à leurs contrats en y joignant un résumé de la Décision. Une sanction de 17 000 euros a, en outre, été infligée à la société Z.

La société E F a formé un recours en annulation ou réformation de la Décision devant la cour d’appel de Paris à laquelle la Commission européenne a soumis des observations d’amicus curiae par application de l’article 15 § 3 du règlement n° 1/2003.

Parallèlement, le magistrat délégué saisi par la société E F a, par ordonnance du 18 février 2009, ordonné le sursis à l’exécution des injonctions prononcées à l’encontre de cette société jusqu’à ce que la cour statue au fond sur le bien fondé de son recours.

Par arrêt du 29 octobre 2009, la cour d’appel de Paris a posé à la Cour de justice des Communautés européennes (devenue la Cour de justice de l’Union européenne, et ci-après la CJUE) une question préjudicielle et a sursis à statuer sur le recours de la société Z.

En réponse à la question posée, la CJUE a, par arrêt du 13 octobre 2011, dit pour droit :

— 'L’article 101, paragraphe 1, A doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle, dans le cadre d’un système de distribution sélective, exigeant que les ventes de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle soient effectuées dans un espace physique en présence obligatoire d’un pharmacien diplômé, ayant pour conséquence l’interdiction de l’utilisation d’Internet pour ces ventes, constitue une restriction par objet au sens de cette disposition si, à la suite d’un examen individuel et concret de la teneur et de l’objectif de cette clause contractuelle et du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, il apparaît que, eu égard aux propriétés des produits en cause, cette clause n’est pas objectivement justifiée'.

— 'L’article 4, sous c), du règlement (CE) n°2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, doit être interprété en ce sens que l’exemption par catégorie prévue à l’article 2 dudit règlement ne s’applique pas à un contrat de distribution sélective qui comporte une clause interdisant de facto Internet comme mode de commercialisation des produits contractuels. En revanche, un tel contrat peut bénéficier, à titre individuel, de l’applicabilité de l’exception légale de l’article 101, paragraphe 3, A si les conditions de cette disposition sont réunies.'

SUR CE

Vu le recours en annulation/réformation formé le 24 décembre 2008 par la société Z contre la décision n° 08-D-25 du Conseil de la concurrence du 29 octobre 2008 (la Décision) ;

Vu l’arrêt de cette cour du 29 octobre 2009 posant une question préjudicielle à la CJUE et ordonnant un sursis à statuer dans l’attente de la décision de ladite Cour et les mémoires et observations visés par cet arrêt ;

Vu l’arrêt C-439/09 de la CJUE du 13 octobre 2011 (ci-après l’arrêt préjudiciel) ;

Vu le 'mémoire récapitulatif contre la’ Décision déposé par la société Z le 21 juin 2012, après celui du 15 mars 2012 ;

Vu les observations de l’ADLC déposées le 24 mai 2012 ;

Vu les observations du Ministre de l’économie, des finances et du commerce extérieur déposées le 24 mai 2012 ;

Vu les conclusions écrites du ministère public du 4 octobre 2012 mises à la disposition des parties avant l’audience ;

Ayant entendu à l’audience publique du 11 octobre 2012 en leurs observations orales les conseils de la requérante qui ont été mis en mesure de répliquer et qui ont eu la parole en dernier, ainsi que le représentant de l’ADLC, celui du Ministre chargé de l’économie et le ministère public;

LA COUR

Considérant que les contrats de distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle des marques Klorane, Ducray, Y et Avène conclus par la société Z avec ses distributeurs précisent que les ventes doivent exclusivement être réalisées dans un espace physique avec la présence obligatoire d’un diplômé en pharmacie ;

Que les articles 1.1 et 1.2 des conditions générales de distribution et de vente desdites marques précisent en effet :

«Le distributeur agréé doit justifier de la présence physique et permanente dans son point de vente, et pendant toute l’amplitude horaire d’ouverture de celui-ci, d’au moins une personne spécialement qualifiée par sa formation pour :

— acquérir une parfaite connaissance des caractéristiques techniques et scientifiques des produits …, nécessaire à la bonne exécution des obligations d’exercice professionnel…

— donner, de façon habituelle et constante, au consommateur toutes informations relatives à la bonne utilisation des produits…

— conseiller instantanément et sur le point de vente, le produit… le plus adapté au problème spécifique d’hygiène ou de soin, notamment de la peau et des phanères, qui lui est soumis.

Cette personne qualifiée doit être titulaire pour ce faire, du diplôme de Pharmacien délivré ou reconnu en France…

Le distributeur agréé doit s’engager à ne délivrer les produits… que dans un point de vente matérialisé et individualisé…»

Considérant que si la société Z souligne, sans être contredite, que ces dispositions contractuelles existaient avant l’apparition d’Internet, elle admet qu’après l’apparition d’Internet, ces exigences ont interdit de facto Internet comme mode de commercialisation des produits contractuels;

Sur la motivation de la Décision :

Considérant que la requérante fait valoir que la Décision doit être annulée en raison d’une insuffisance de motivation ; qu’en effet, 'tout le raisonnement suivi dans la Décision repose sur l’idée que la 'restriction caractérisée’ impliquerait nécessairement 'l’infraction par objet’ alors que l’existence d’une restriction caractérisée citée par l’article 4 du règlement n° 2790/1999, s’il fait perdre le bénéfice de l’exemption, ne saurait suffire à démontrer l’existence d’une infraction par objet (Cf conclusions sous l’arrêt préjudiciel de M. l’Avocat général Mazak points 24 à 30) et qu’ainsi que le retient l’arrêt préjudiciel : 'Aux fins d’apprécier si la clause contractuelle en cause comporte une restriction de concurrence 'par objet', il convient de s’attacher à la teneur de la clause, aux objectifs qu’elle vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère’ afin de vérifier si, eu égard aux propriétés des produits en cause, la clause est objectivement justifiée ; qu’ainsi, en retenant que l’interdiction de vente sur Internet, qui équivaut à une limitation des ventes actives et passives des distributeurs, est une restriction caractérisée et que cette interdiction 'qui limite les ventes au sein d’un réseau de distribution sélective a donc nécessairement un objet restrictif de concurrence’ et en ne recherchant pas une éventuelle justification objective, mais en retenant, au contraire, que les justifications admises à l’interdiction de vente par Internet ne sont prévues que pour la distribution exclusive, le Conseil a, s’agissant de la qualification d’une infraction par objet, insuffisamment motivé sa Décision au regard du standard fixé par la CJUE ;

Considérant qu’il convient, à titre liminaire, de constater que, dans son mémoire du 21 juin 2012, qu’elle indique être 'récapitulatif contre la Décision', la société E F ne soutient plus que la Décision est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle a retenu que la pratique constitue une restriction des ventes au sens de l’article 4 c) du règlement n° 2790/1999 aux termes duquel l’exemption de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, Traité CE (devenu l’article 101, paragraphe 1,A) ne s’applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d’autres facteurs sous le contrôle des parties, ont pour objet 'la restriction des ventes actives ou des ventes passives aux utilisateurs finals par les membres d’un système de distribution sélective qui opèrent en tant que détaillants sur le marché, sans préjudice de la possibilité d’interdire à un membre du système d’opérer à partir d’un lieu d’établissement non autorisé.';

Qu’en effet, la CJUE a dit pour droit que 'L’article 4, sous c), du règlement (CE) n°2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, doit être interprété en ce sens que l’exemption par catégorie prévue à l’article 2 dudit règlement ne s’applique pas à un contrat de distribution sélective qui comporte une clause interdisant de facto Internet comme mode de commercialisation des produits contractuels';

Que c’est à juste titre que la Décision retient que la pratique d’interdiction de vente sur Internet au sein d’un réseau de distribution sélective constitue une 'restriction caractérisée’ ;

Considérant que la requérante, qui ne conteste plus la Décision sur ce point, soutient que c’est au prix d’une insuffisance de motifs au regard des exigences de la CJUE que la Décision qualifie la pratique en cause d’infraction par objet ;

Considérant que la Décision, après avoir rappelé les principales caractéristiques du secteur et des produits concernés, retient que la clause par laquelle la société Z interdit à ses distributeurs agréés de vendre ses produits sur Internet, en excluant un moyen de commercialisation des produits, limite la liberté commerciale des distributeurs de la société Z, restreint le choix des consommateurs désireux d’acheter par Internet et empêche les ventes aux acheteurs finaux qui ne sont pas localisés dans la zone de chalandise 'physique’ du distributeur agréé ; qu’elle ajoute que cette limitation des ventes au sein d’un réseau de distribution sélective a nécessairement un objet restrictif de concurrence qui s’ajoute à la limitation de concurrence inhérente au choix par le fabricant d’un système de distribution sélective qui limite le nombre des distributeurs habilités à distribuer le produit et empêche les distributeurs de le vendre à des distributeurs non agréés ; qu’elle relève qu’une telle clause dans un contrat de distribution sélective ne peut bénéficier de l’exemption par catégorie prévue par le règlement (CE) n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 car constitue une restriction caractérisée au sens de l’article 4 c) dudit règlement ; qu’enfin, répondant à des objections de la société Z, la Décision ajoute que les pratiques caractérisées au sens du règlement d’exemption constituent des restrictions de concurrence par objet sans qu’il soit nécessaire de démontrer plus en détail en quoi cet objet est restrictif de concurrence, ni d’analyser les effets des pratiques et estime que les justifications admises à l’interdiction de vente par Internet ne sont prévues que pour la distribution exclusive ;

Considérant que, ce faisant, le Conseil, après avoir examiné les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, a motivé sa décision de manière telle que la cour est en mesure d’exercer son contrôle ;

Qu’aucune nullité pour défaut de motivation ne saurait être prononcée dès lors que la Décision contient les motifs de fait et de droit qui la fondent ; qu’il appartient à la cour d’appel, à laquelle la Décision est déférée par l’exercice du recours en annulation ou réformation introduit par la société E F, de statuer à nouveau en fait et en droit sur le grief notifié et, en particulier, sur les critiques portant sur l’existence, au regard de la jurisprudence européenne, d’une 'infraction par objet’ ; que c’est d’ailleurs à cette fin que, par arrêt du 29 octobre 2009, la cour a saisi la CJUE à titre préjudiciel ;

Que la critique de la requérante qui, sous couvert d’une insuffisance de motivation, conteste la motivation de la Décision, ne peut conduire à l’annulation de la Décision ;

Sur l’objet de l’accord :

Considérant que la société E F soutient que, contrairement à ce que retient la Décision, la pratique reprochée n’a pas un objet anticoncurrentiel ; qu’elle fait valoir que cette pratique est 'objectivement justifiée au regard de ses objectifs’ (1er point) et également 'du contexte juridique et économique’ dans lequel elle s’insère (second point) ;

Considérant, sur le premier point, que la requérante, après avoir développé des arguments tendant à soutenir que 'les éléments d’interprétation fournis par la CJUE accréditent l’existence d’un objectif légitime', expose que les dispositions contractuelles en cause ont pour seul et unique objet de garantir la possibilité de fournir un service de qualité au consommateur en lui assurant le meilleur conseil possible lors de l’achat de produits E F ;

Qu’elle fait valoir, d’une part, que l’objectif poursuivi par la pratique litigieuse est légitime et proportionné eu égard aux propriétés des produits cosmétiques et aux impératifs de santé et de sécurité des utilisateurs prévus par le code de la santé publique ;

— que s’agissant des propriétés de ses produits, la requérante, – après avoir rappelé que les instances communautaires admettent que les critères qualitatifs imposés dans le cadre d’un système de distribution sélective et destinés à assurer un conseil de qualité par un professionnel constituaient, eu égard à la nature particulière des produits en cause, des exigences légitimes et proportionnées (Cf arrêts TPICE, 12 décembre 1996, Groupement d’achat Edouard Leclerc, T-88/92 K Givenchy, T-19/92 Yves I J K) – soutient que ses produits, développés dans une optique de soins, sont des produits de grande qualité se caractérisant souvent par une haute technicité et par l’existence de plusieurs gammes et déclinaisons aux propriétés différentes ; qu’eu égard aux propriétés et à la variété de ses produits, le conseil dispensé par un diplômé en pharmacie est indispensable pour accompagner le consommateur dans ses choix de produits adaptés à ses besoins et dans l’usage qui doit en être fait ; qu’elle soutient qu’un tel conseil ne peut être rendu de manière équivalente et avec le même niveau de qualité lors d’une vente sur Internet dès lors que seule une observation directe du client permet au professionnel, le cas échéant de façon spontanée, de donner des conseils de qualité et ce, sans grand déplacement pour le consommateur compte tenu de la densité du maillage territorial de son réseau ;

— qu’elle ajoute que, de ce fait, la vente sur Internet présente nécessairement un risque pour les consommateurs et contrevient, par là-même, aux impératifs de santé et de sécurité prévus pour les produits cosmétiques par le code de la santé publique (articles L.5131-2 et suivants), impératifs qui ont conduit au niveau européen au renforcement du système de cosmétovigilance (règlement n°1223/2009 du 30 novembre 2009 imposant le principe de précaution) ; qu’elle expose à cet égard que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, devenue en 2012 Agence nationale de sécurité des médicaments) a constaté une augmentation du nombre de déclarations d’effets indésirables liés à l’utilisation de produits cosmétiques (de 126 en 2007 à 232 en 2009), étant observé que c’est en 2007 que ses concurrents ont autorisé la commercialisation en ligne de leurs produits, et soutient que l’observation directe du client par un diplômé en pharmacie permet non seulement au consommateur d’être mieux protégé contre d’éventuels effets négatifs, mais encore au professionnel de participer, par ses déclarations à l’Afssaps, au système de cosmétovigilance ;

Qu’elle fait valoir, d’autre part, que l’objectif poursuivi par la clause litigieuse s’avère d’autant plus légitime et proportionné au vu de l’accroissement des contrefaçons sur Internet et des dangers qui en résultent pour la santé des utilisateurs ; qu’en effet, les exigences qu’elle impose à ses distributeurs permettent au consommateur d’identifier aisément les contrefaçons dès lors que tout produit E F vendu sur Internet est d’évidence commercialisé en dehors du réseau de distribution sélective et donc vraisemblablement contrefait ;

Qu’elle fait valoir, enfin, que l’objectif poursuivi par la pratique en cause est pleinement légitime et proportionné au regard des risques de parasitisme résultant de l’autorisation de la vente en ligne et ainsi du risque subséquent de diminution ou même de disparition du service de conseil rendu par les officines dès lors que celles qui ne seront pas en mesure de supporter les coûts liés à la création d’un site Internet ne pourront tirer aucun profit des conseils qu’elles fournissent de visu;

Considérant, sur le second point, que la requérante soutient qu’il résulte du contexte juridique et économique dans lequel elle s’insère que la pratique litigieuse n’est pas restrictive de concurrence et qu’au contraire, elle accroît la concurrence ;

Qu’elle fait valoir, d’une part, que l’analyse du contexte juridique dans lequel s’inscrit la clause ne laisse aucun doute quant à la licéité de son objet ; qu’en effet, l’interdiction de la vente en ligne imposée par E F à ses distributeurs s’insère dans un contrat de distribution sélective dont la légitimité n’a jamais été remise en cause ; que, contrairement à ce que soutient l’Autorité, ce réseau ne peut être qualifié de restrictif de concurrence dès lors que, remplissant les critères de l’arrêt Métro, il échappe au champ d’application de l’article 101 § 1 A ; que, par ailleurs, rappelant que dans un même contexte de distribution sélective, l’interdiction générale et absolue de recourir à la vente par correspondance, a été validée par la Commission au titre de l’article 101§ 1 A (Décision Grundig 85/404/CEE), la société E F soutient que les contrats de distribution sélective interdisant les ventes par correspondance et ceux interdisant les ventes par Internet ne peuvent être régis différemment alors que vente par correspondance et vente sur Internet constituent toutes deux des ventes à distance, qualifiées comme telles par la directive du 20 mai 2007 et par l’article L. 121-16 du code de la consommation, alors en outre que l’interdiction de ces ventes au sein d’un réseau de distribution sélective a pour objet identique d’interdire un mode de vente inadapté aux produits de haute qualité nécessitant un haut niveau de conseil et alors enfin que le droit de la concurrence considère que ces deux types de vente appartiennent à la même catégorie juridique ;

Qu’elle fait valoir, d’autre part, que l’analyse du contexte économique dans lequel s’inscrit la clause permet d’écarter toute présomption d’atteinte à la concurrence sur le marché concerné ; qu’en effet, le marché des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle se caractérise non seulement par une forte concurrence intermarques compte tenu du nombre de concurrents, de l’absence de barrières à l’entrée sur ce marché et du caractère innovant des produits concernés, mais encore par une concurrence intramarque très vive, les produits E F étant proposés dans plus de 23 000 points de vente répartis de manière homogène sur le territoire national ; que dès lors qu’elle ne détient que 20% du marché français et que les autres fabricants se sont engagés à ouvrir leurs réseaux de distribution sélective à la vente en ligne, l’interdiction de vente en ligne ne concerne qu’une faible partie des produits disponibles et peu de distributeurs, d’autant que les distributeurs membres de son réseau n’étant liés par aucune clause d’exclusivité peuvent vendre sur Internet les produits concurrents ; qu’enfin, si la comparaison de l’état du marché avant et après l’ouverture de la vente en ligne ne révèle aucune modification de concurrence, même potentielle, c’est bien que la clause litigieuse ne présente pas un degré de nocivité suffisant permettant d’établir le caractère anticoncurrentiel de son objet ; qu’en réalité, l’interdiction de vente en ligne qu’elle impose à ses distributeurs, dont l’unique objet est d’assurer le niveau le plus adéquat de conseil au profit des consommateurs, n’a pas d’objet restrictif de concurrence mais permet, à l’inverse, de stimuler la concurrence par la qualité du service rendu ;

Considérant que l’article 101, paragraphe 1, A, prohibe notamment toute entente entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet de restreindre le libre jeu de la concurrence ;

Considérant que, par l’arrêt préjudiciel, la CJUE rappelle que :

— point 34 : 'pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, A, un accord doit avoir «pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur». Selon une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, Rec. p. 337), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction «ou» conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de l’accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Lorsque l’objet anticoncurrentiel d’un accord est établi, il n’y a pas lieu de rechercher ses effets sur la concurrence (voir arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, Rec. p. I-9291, point 55 ainsi que jurisprudence citée).'

— point 35 : 'Aux fins d’apprécier si la clause contractuelle en cause comporte une restriction de concurrence «par objet», il convient de s’attacher à la teneur de la clause, aux objectifs qu’elle vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère (voir arrêt GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., précité, point 58 ainsi que jurisprudence citée).'

Considérant que, par cet arrêt, la CJUE a dit pour droit que 'L’article 101, paragraphe 1, A doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle, dans le cadre d’un système de distribution sélective, exigeant que les ventes de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle soient effectuées dans un espace physique en présence obligatoire d’un pharmacien diplômé, ayant pour conséquence l’interdiction de l’utilisation d’Internet pour ces ventes, constitue une restriction par objet au sens de cette disposition si, à la suite d’un examen individuel et concret de la teneur et de l’objectif de cette clause contractuelle et du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, il apparaît que, eu égard aux propriétés des produits en cause, cette clause n’est pas objectivement justifiée'.

Considérant que, pour la société Z, la clause litigieuse en ce qu’elle interdit à ses distributeurs la vente en ligne de ses produits est destinée à ce que lors de l’achat desdits produits, le consommateur puisse bénéficier du conseil personnalisé d’un spécialiste, fondé sur l’observation directe de ses caractéristiques physiques (peau, cheveux…), pour choisir un produit adapté à ses besoins et l’utiliser de façon adéquate ;

Considérant qu’avant de vérifier si la pratique en cause est objectivement justifiée au regard de ses objectifs (premier point développé par la requérante), il convient d’analyser le contexte juridique et économique dans lequel elle s’insère (second point développé par la requérante) ;

Sur le contexte juridique et économique :

Considérant, sur le second point développé par la requérante et sus-mentionné, il sera préalablement rappelé :

— que les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle ne relèvent pas de la catégorie des médicaments et peuvent donc être librement commercialisés en dehors du circuit officinal ;

— que, parmi ces produits, ceux concernés par la Décision sont ceux distribués par l’intermédiaire de systèmes de distribution sélective et offerts à la vente avec le conseil d’un pharmacien ; qu’en 2007, les pharmacies restaient le canal de distribution privilégié par les laboratoires avec plus des deux tiers des ventes, l’autre tiers étant réalisé par les parapharmacies et les parfumeries en présence d’un diplômé en pharmacie ;

— que la délimitation par le Conseil d’un marché pertinent de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseil d’un pharmacien, de dimension nationale, n’est pas contestée (Cf : Décision n° 30 à 34) ;

— qu’en 2007, parmi les onze principaux fournisseurs en distribution sélective de tels produits, le groupe E F (avec 20% des parts du marché français) et le groupe L’Oréal (au travers de sa filiale T Active France 18,6% des parts) restaient prépondérants ; que le 3e fournisseur occupait 10,7% du marché national en 2005 et les autres de 5,1 à 2,5% ;

— qu’au sein de ces fournisseurs, la concurrence intermarques apparaît vive en raison notamment du nombre de concurrents et de la nature des produits pour lesquels l’innovation joue un rôle majeur ; que s’il ne peut être affirmé avec la requérante qu’aucune barrière à l’entrée n’existe sur ce marché, il n’en demeure pas moins que de nouvelles marques ont pu en conquérir en quelques années des parts de marché significatives ;

— que les engagements proposés par les dix autres principaux fournisseurs ayant recours à la distribution sélective, tendant à permettre, sous certaines modalités, la vente en ligne aux distributeurs membres de leurs réseaux, ont été acceptés par la décision n° 07-D-07 du Conseil de la concurrence du 8 mars 2007 ; que seule la société Z n’a pas souhaité prendre d’engagements;

Considérant que, selon la requérante, l’analyse du contexte économique dans lequel s’inscrit la clause permettrait de constater le caractère licite de son objet ;

Considérant, cependant, que l’analyse proposée par la requérante du contexte économique dans lequel s’inscrit la clause litigieuse ne tient pas compte du fait que cette clause figure dans des accords de distribution sélective qui influencent nécessairement la concurrence (Cf arrêt préjudiciel n° 39 et ci-après) et que l’article 81 CE (devenu 101 A) vise à protéger, non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle (CJUE, 6 octobre 2009, C-501/06, GlaxoSmithKline, point 63) ;

Que ce n’est donc que pour répondre aux éléments de contexte tels qu’invoqués par la requérante qu’il est, à ce stade, observé :

— que, si la société Z fait état d’un maillage de 23 000 distributeurs physiques répartis de manière homogène sur le territoire national, elle ne peut en déduire l’existence d’une 'concurrence intramarque très vive’ ; qu’en effet, seuls ces distributeurs agréés, fussent-ils nombreux, peuvent vendre les produits contractuels, qu’ils ne peuvent pas les vendre à des distributeurs non agréés et qu’ils ne peuvent les vendre qu’à des clients se rendant sur un lieu de vente physique, ce qui, à l’inverse de la vente par Internet, limite les ventes à des clients éloignés géographiquement et ne facilite pas pour les clients les comparaisons de prix ; qu’en outre, les principaux fournisseurs concurrents de E F pratiquent également la distribution sélective ;

— que la requérante ne peut affirmer que l’interdiction de vente en ligne ne concerne qu’une faible partie des produits du marché concerné et peu de distributeurs alors qu’avec 20% des parts du marché la société Z était en 2007 leader du marché et disposait de nombreux points de vente et que le fait de ne pouvoir proposer sur Internet les produits E F est de nature à amoindrir l’intérêt pour ses distributeurs d’organiser la vente en ligne des autres produits qu’ils distribuent sur conseil pharmaceutique ;

— qu’il ne peut être tiré de conclusion de la comparaison invoquée, mais non étayée, de l’état du marché avant et après l’ouverture de la vente en ligne des produits concurrents ;

— que l’affirmation de la requérante selon laquelle l’interdiction de vente en ligne stimule la concurrence par la qualité du service rendu doit être relativisée au regard du service et des avantages que présente la vente par Internet (Cf ci-après) ;

Considérant que la clause litigieuse, qui a pour conséquence l’interdiction de l’utilisation d’Internet pour les ventes de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, fait partie des accords qui constituent le système de distribution sélective E F ;

Considérant que l’article 1er, sous d), du règlement n° 2790/1999, applicable en l’espèce, définissait un système de distribution sélective comme 'un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à vendre les biens ou services contractuels, directement ou indirectement, uniquement à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés.'

Que la Décision relève exactement qu’en interdisant à ses distributeurs agréés la vente de ses produits sur Internet, excluant ainsi un moyen de commercialisation, la société Z limite la liberté commerciale de ses distributeurs, limite les possibilités de ventes aux acheteurs finaux non localisés dans leurs zones de chalandise 'physique’et restreint le choix des consommateurs désireux d’acheter sans se déplacer ;

Considérant qu’après avoir relevé (point 38) que 'la clause contractuelle en cause, en excluant de facto un mode de commercialisation de produits ne requérant pas le déplacement physique du client, réduit considérablement la possibilité d’un distributeur agréé de vendre les produits contractuels aux clients situés en dehors de son territoire contractuel ou de sa zone d’activité. Elle est donc susceptible de restreindre la concurrence dans ce secteur', l’arrêt préjudiciel retient :

— point 39 : que 's’agissant des accords qui constituent un système de distribution sélective, la Cour a déjà relevé que de tels accords influencent nécessairement la concurrence dans le marché commun (arrêt du 25 octobre 1983, L-M/Commission, 107/82, X, point 33). De tels accords sont à considérer, à défaut de justification objective, en tant que 'restrictions par objet'.';

— point 40 : 'la jurisprudence de la Cour a, toutefois, reconnu qu’il existe des exigences légitimes, telles que le maintien du commerce spécialisé capable de fournir des prestations spécifiques pour des produits de haute qualité et technicité, qui justifient une réduction de la concurrence par les prix au bénéfice d’une concurrence portant sur d’autres éléments que les prix. Les systèmes de distribution sélective constituent donc, du fait qu’ils visent à atteindre un résultat légitime, qui est de nature à améliorer la concurrence, là où celle-ci ne s’exerce pas seulement sur les prix, un élément de concurrence conforme à l’article 101, paragraphe 1, A (arrêt L-M/Commission, précité, point 33) ;

— point 41 : 'qu’à cet égard, la Cour a déjà relevé que l’organisation d’un tel réseau ne relève pas de l’interdiction de l’article 101, paragraphe 1, A, pour autant que le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, que les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un tel réseau de distribution et, enfin, que les critères définis n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire (arrêts du 25 octobre 1977, Metro SB-Großmärkte/Commission, 26/76, Rec. p. 1875, point 20, ainsi que du 11 décembre 1980, L’Oréal, 31/80, Rec. p. 3775, points 15 et 16) ;

Considérant que si la société Z rappelle sans être contredite que la légitimité de son contrat de distribution sélective n’a jamais été remise en cause par les acteurs du marché avant la Décision, il ne peut en être déduit que la clause litigieuse serait licite et ce, d’autant moins que la portée de cette clause a, ainsi qu’il a été dit, été modifiée du fait de l’apparition d’Internet ;

Considérant que la société Z, qui insiste sur l’appartenance à une même catégorie juridique de la vente par Internet et de la vente par correspondance sur catalogue, rappelle exactement que l’interdiction de la vente par correspondance dans le cadre de réseaux de distribution sélective a été validée par la Commission (Décision 92/33/CEE du 16 décembre 1991 Yves I J K excluant une restriction de concurrence par ses effets ; Décision 84/404/CEE du 10 juillet 1985 Grundig estimant que l’interdiction 'découle également de l’obligation faite aux distributeurs de conseiller la clientèle et de présenter les marchandises') ;

Mais considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, le fait que les ventes par correspondance et les ventes par Internet soient des ventes à distance ne conduit pas à affirmer, sans examen individuel, que les clauses réglementant ces ventes dans un contrat de distribution sélective donné ont un objet identique ou similaire ou ne pourraient être analysées qu’au travers de leurs effets;

Considérant qu’en l’espèce, est en cause l’interdiction générale et absolue de vente par Internet des produits commercialisés dans le cadre du réseau de distribution sélective de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle ; qu’il ne peut être contesté que la vente en ligne offre des possibilités de présentation et surtout d’interaction que ne permet pas la vente sur catalogue ; qu’il ne peut donc être déduit des arrêts invoqués que, par analogie, l’interdiction de vente par Internet en l’espèce en cause serait licite ;

Considérant que, dans le contexte sus-décrit de distribution sélective, il convient 'd’examiner si la clause contractuelle en cause interdisant de facto toutes les formes de vente par Internet peut être justifiée par un objectif légitime’ (arrêt préjudiciel, point 42) ; que la société Z invoque les moyens qui ont été détaillés ci-dessus (1er point développé par la requérante) pour soutenir que tel est le cas ;

Sur la justification de la clause litigieuse :

Considérant, sur le premier point sus-rappelé développé par la requérante, que la CJUE (arrêt préjudiciel, points 43 et 44), afin de fournir à la cour d’appel 'les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui lui permettent de se prononcer', indique :

— point 43 : qu’il est certes 'constant que, dans le cadre du réseau de distribution sélective de E F S-T, les revendeurs sont choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels.';

— que, 'toutefois, il convient encore de vérifier si les restrictions de la concurrence poursuivent d’une manière proportionnée les objectifs légitimes conformes aux considérations exposées au point 41 (sus-rappelé) du présent arrêt,' à savoir préserver la qualité des produits et en assurer le bon usage ;

— point 44 : qu''à cet égard, il convient de souligner que la Cour n’a pas retenu, au regard des libertés de circulation, les arguments relatifs à la nécessité de fournir un conseil personnalisé au client et d’assurer la protection de celui-ci contre une utilisation incorrecte de produits, dans le cadre de la vente de médicaments qui ne sont pas soumis à prescription médicale et de lentilles de contact, pour justifier une interdiction de vente par Internet (voir, en ce sens, arrêts Deutscher Apothekerverband, précité, points 106, 107 et 112, ainsi que du 2 décembre 2010, G-H, C-108/09, non encore publié au Recueil, point 76) ;'

Considérant que, selon la requérante, les éléments d’interprétation ainsi fournis (point 44) par l’arrêt préjudiciel 'ne s’opposent pas au fait de considérer que la pratique est objectivement justifiée’ dès lors que la CJUE ne se prononce pas sur l’applicabilité des arrêts Deutscher Apothekerverband, et G-H au cas d’espèce, que ces arrêts sont rendus au visa des dispositions du Traité encadrant la liberté de circulation des marchandises qui diffèrent par leur champ d’application, leur objectif et leur régime de mise en oeuvre des règles de concurrence énoncées par le Traité, que ces arrêts se placent sur le terrain de l’effet pour conclure à la qualification de mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative et non sur celui de l’objet, et qu’enfin la 'restriction’ au regard de laquelle est comparée la 'justification’ n’est, en l’espèce, ni de même nature, ni de même ampleur que dans les arrêts invoqués ;

Mais considérant que si la requérante souligne exactement que les décisions citées par l’arrêt préjudiciel sont rendues au regard des libertés de circulation et non des règles de concurrence et fait état des conséquences qui en découlent, la CJUE, qui ne méconnaît pas ces points, ne vise ces arrêts qu’en tant qu’éléments d’appréciation pour souligner que, dans le cadre de la vente de produits susceptibles d’être comparés à ceux en cause, certains arguments relatifs à des exigences de commercialisation liées aux qualités des produits, – arguments relatifs à la nécessité de fournir un conseil personnalisé aux clients qui sont également invoqués en l’espèce – n’ont pas été retenus pour justifier une interdiction de vente par Internet ;

Considérant ainsi qu’il s’agit pour la CJUE, non pas d’affirmer que la clause litigieuse ne peut être justifiée par un objectif légitime, mais seulement de faire état d’éléments d’interprétation du droit de l’Union ; qu’à cet égard, si la requérante ne peut – au vu de la motivation des arrêts cités par l’arrêt préjudiciel et exposée pour le premier par la Décision ( n°79 et 80) – soutenir que 'les éléments d’interprétation fournis par la CJUE accréditent l’existence d’un objectif légitime', il appartient à la cour de vérifier, eu égard en particulier à ces éléments, si les restrictions de concurrence résultant de la clause qui interdit dans le cadre d’un système de distribution sélective toutes les formes de vente par Internet, sont, compte tenu des propriétés des produits en cause, nécessaires et proportionnées pour préserver la qualité de ces produits et en assurer le bon usage ;

Considérant que, selon la requérante, l’interdiction de vente de ses produits par Internet imposée à ses distributeurs agréés, qui vise uniquement à garantir la possibilité de fournir un service de qualité au client, poursuit un objectif légitime et proportionné eu égard aux propriétés des produits en cause et aux risques et caractéristiques inhérents au commerce en ligne (contrefaçons, parasitisme);

Considérant qu’il convient, à titre liminaire, de constater que l’arrêt préjudiciel n’admet de justifications objectives qu’au regard des propriétés des produits en cause ;

Considérant que les justifications que la requérante entend tirer du fait que l’interdiction de la vente en ligne prémunirait le consommateur contre l’essor des contrefaçons qu’induirait Internet et permettrait d’éviter au sein du réseau les phénomènes de parasitisme découlant de la vente en ligne, – avantages également invoqués par la requérante pour soutenir que la pratique en cause doit bénéficier d’une exemption individuelle (Cf ci-après) – ne constituent pas des préoccupations légitimes et proportionnées susceptibles de justifier une interdiction générale et absolue de la vente en ligne dans le cadre d’un réseau de distribution sélective ;

Considérant que les justifications objectives liées aux propriétés des produits invoquées par la requérante ont été rappelées ci-dessus ; qu’elles tiennent à la technicité et à la variété des produits et aux risques pour la santé et la sécurité induits par une utilisation inappropriée qui en serait faite, qui nécessiteraient un conseil fondé sur l’observation directe du client et une présentation identifiable des produits ;

Considérant qu’ainsi que le relève la Décision (n° 5 et 6), non contredite sur ces points, les produits en cause font partie du secteur plus large des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle définis par l’article L.5131-1 du code de la santé publique (CSP) selon lequel : « On entend par produit T toute substance ou préparation destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain, notamment l’épiderme, les systèmes pileux et capillaire, les ongles, les lèvres, les organes génitaux externes, ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles » ;

Considérant que si, ainsi que le rappelle la requérante, le règlement CE n° 1223/2009 du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques expose que les mesures prises par la Commission et les Etats membres concernant la protection de la santé humaine reposent sur le principe de précaution, ce règlement a pour seul objet d’établir 'des règles auxquelles doit satisfaire tout produit T mis à disposition sur le marché, afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine.'; que, de même, les dispositions du code de la santé publique invoquées comme dérogatoires au droit commun de la sécurité des produits du code de la consommation, qui soumettent ces produits à certaines exigences législatives relatives à leur composition ou leur étiquetage, n’imposent pas, pour ces produits, un mode de distribution spécifique ;

Considérant, en effet, que les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle n’entrent pas dans la catégorie des médicaments définis par l’article L. 5111-1 du même code comme des produits qui « possèdent des propriétés préventives ou curatives à l’égard des maladies humaines », et ne sont pas soumis au monopole des pharmaciens prévu à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique ; que la réglementation publique ne s’oppose pas à ce qu’ils soient librement commercialisés sans prescription médicale et en dehors du circuit officinal ;

Considérant qu’ainsi que le relève la Décision (n° 33), les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle en cause ne sont pas des médicaments mais, vendus sur conseils pharmaceutiques, ils se distinguent des autres produits de même nature et des produits de marque vendus en parfumerie par la spécificité de leurs modes de commercialisation (pharmacie, parapharmacie et parfumerie avec la présence d’un pharmacien), par leur image 'médicalisée', par leur positionnement en prix et par le fait qu’ils font l’objet de tests dermatologiques et cliniques préalablement à leur commercialisation;

Considérant qu’il n’est pas soutenu qu’il existerait au niveau national ou à celui de l’Union une prescription légale ou réglementaire qui imposerait de ne vendre les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle que dans un espace de vente physique en présence d’un pharmacien diplômé;

Considérant qu’il est en revanche soutenu que la vente dans un espace de vente physique en présence d’un pharmacien diplômé permet à ce professionnel, à même d’observer visuellement le client, de participer, par ses déclarations à l’Afssaps, au système de cosmétovigilance qui contraint les professionnels de santé ayant constaté un effet indésirable grave susceptible d’être dû à un produit T à le déclarer au directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, articles L.5131-9 et suivant CSP) ;

Mais considérant qu’ainsi que le relève la Décision (n° 81), les effets négatifs liés à l’utilisation d’un produit ne se révèlent qu’une fois le produit acheté, indépendamment du mode d’acquisition ; qu’en outre, en cas 'd’effet indésirable grave', le patient aura tendance à consulter un médecin, ce que confirment les documents versés aux débats par la requérante qui montrent qu’en 2010, parmi les 219 déclarations d’effets indésirables reçues par l’Afssaps (dont 13% concernaient des effets indésirables graves au sens de l’article L.5131-9 CSP), plus de 70% des déclarants étaient des médecins et 10% des pharmaciens ; qu’enfin, l’établissement de diagnostics n’entre pas dans les pouvoirs d’un pharmacien mais dans ceux d’un médecin et aucun élément n’établit qu’un pharmacien en ligne ne pourrait, de même que tout pharmacien, participer au système de cosmétovigilance ;

Considérant, par ailleurs, qu’aucun des éléments versés aux débats ne permet de corroborer la corrélation suggérée par la requérante entre l’ouverture à la vente en ligne des produits cosmétiques fabriqués par les concurrents de la société Z et l’augmentation des déclarations reçues par l’Agence, étant au surplus observé que la mise en place du système de cosmétovigilance n’a été officialisée en France qu’en 2004 ce qui paraît de nature à expliquer le très faible nombre de déclarations les premières années ;

Considérant, en définitive, que les arguments avancés par la requérante tenant à la sécurité des consommateurs ne sont, eu égard aux propriétés des produits, pas démontrés ;

Considérant que la requérante insiste sur la nécessité de fournir un conseil personnalisé pour accompagner le client dans le choix de ses produits et assurer sa protection préventive contre un choix inadapté ou une utilisation incorrecte ou inadéquate des produits susceptibles d’en diminuer l’efficacité voire de produire des effets négatifs et ajoute que ces services de qualité ne pourraient être assurés que par l’observation directe du client par un pharmacien ;

Considérant qu’il convient donc de vérifier si, eu égard aux propriétés des produits en cause, il est nécessaire et proportionné, pour permettre un choix et un usage adaptés desdits produits, d’interdire de façon générale et absolue leur vente par Internet dans le cadre d’un système de distribution sélective ;

Considérant qu’il a été rappelé que la CJUE a, au regard des libertés de circulation, estimé que la nécessité de fournir un conseil personnalisé au client sur le choix et l’usage du produit, ne pouvait justifier une interdiction de vente par Internet pour des médicaments non soumis à prescription médicale et des lentilles de contact (arrêts Deutscher Apothekerverband, et G-H, C-108/09 cités au point 44 sus-rappelé de l’arrêt préjudiciel) ;

Qu’ainsi que l’expose la Décision (points 79 et 80 auxquels il est renvoyé), les considérations par lesquelles la CJUE a écarté la possibilité de justifier une interdiction absolue de vente par Internet de médicaments non soumis à prescription médicale et de lentilles de contact par la nécessité de conseiller le client sont a fortiori transposables pour les produits en cause qui ne sont pas des médicaments ;

Considérant que s’agissant des produits en cause, aucun élément n’établit qu’une information et un conseil personnalisé de qualité lors de l’achat des produits ne puissent être organisés en ligne; qu’en effet, un site Internet est susceptible d’être organisé comme une vitrine de présentation et d’information sur les produits, voir avec utilisation de films, et permet une interaction entre le fabricant et le consommateur, au travers par exemple d’une 'hotline’ destinée à assurer des conseils personnalisés par une personne diplômée en pharmacie ; qu’en outre, l’achat par Internet présente des avantages pour le client tels la possibilité de visiter le site, de se donner le temps de la réflexion et de commander le produit au moment qui lui convient, à partir du lieu de son choix et de l’obtenir sans avoir à se déplacer ; que le client peut également 'formuler calmement’ les questions qu’il entend poser aux 'pharmaciens virtuels';

Considérant qu’il doit également être relevé que les concurrents de la requérante, à savoir les dix autres principaux fournisseurs de produits vendus sur conseil pharmaceutique ayant recours à la distribution sélective, se sont engagés à modifier ou à compléter leurs contrats de distribution sélective afin de permettre, sous certaines modalités, la vente en ligne par les membres de leurs réseaux respectifs de leurs produits ou d’assouplir les conditions trop restrictives auxquelles ils soumettaient de telles ventes (Cf décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-07 du 8 mars 2007); que l’examen des engagements présentés par ces dix sociétés et acceptés par le Conseil confirme la possibilité d’assurer le respect de la qualité des produits et un conseil personnalité au client via Internet et donc de concilier la préservation de la qualité et de l’usage des produits et la vente en ligne desdits produits par les distributeurs agréés ;

Considérant que la clause contractuelle interdisant de facto toutes les formes de vente par Internet pour les produits en cause n’apparaît donc pas justifiée par un objectif légitime ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la clause contractuelle figurant dans les contrats de distribution sélective de la société Z exigeant que les ventes de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle soient effectuées dans un espace physique en présence obligatoire d’un pharmacien diplômé, ayant pour conséquence l’interdiction de l’utilisation d’Internet pour ces ventes, constitue une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, A ;

Sur la possibilité d’une exemption individuelle :

Considérant qu’aux termes de l’article 101, paragraphe 3, A :

'Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables :

— à tout accord ou catégorie d’accords entre entreprises,

— à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises et

— à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,

b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence.

Considérant que, par l’arrêt préjudiciel, la CJUE dit pour droit qu’un contrat de distribution sélective qui comporte une clause interdisant de facto Internet comme mode de commercialisation des produits contractuels peut bénéficier, à titre individuel, de l’applicabilité de l’exception légale de l’article 101, paragraphe 3, A si les conditions de cette disposition sont réunies ; qu’elle renvoie à la cour le soin d’examiner si tel est le cas ;

Considérant que la société E F fait valoir que la Décision est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle refuse à la pratique en cause le bénéfice d’une exemption individuelle ; qu’avant d’exposer que cette pratique satisfait l’ensemble des critères d’exemption individuelle de l’article 101, paragraphe 3, A (second point), la requérante soutient que le standard de preuve doit être allégé en sa faveur et que l’insuffisance de motivation de la Décision doit conduire à son annulation (premier point) ;

Sur le standard de preuve et la motivation de la Décision :

Considérant, sur le premier point, qu’invoquant la Communication de la Commission (lignes directrices concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du Traité (2004/C101/08)) et la jurisprudence, la requérante qui rappelle que la pratique a été qualifiée de restriction par objet, fait valoir que, faute de démonstration et de quantification par la Décision 'du moindre effet anticoncurrentiel attaché à la pratique en cause', il ne peut lui être demandé de démontrer que l’amplitude des effets proconcurrentiels excède, au terme d’un bilan comparatif, ceux des éventuels effets anticoncurrentiels qui résulteraient de cette pratique et que, dès lors, il lui suffit d’établir que 'les effets pro-concurrentiels de la pratique satisfont aux quatre conditions de l’article 101, paragraphe 3, A pour bénéficier de l’exemption’ ; qu’invoquant l’arrêt GlaxoSmithKline (CJUE, 6 octobre 2009, C-501/06…,point 83), elle ajoute que la Décision, en rejetant de façon lapidaire les arguments qu’elle avançait au titre de l’exemption individuelle, est entachée d’un vice de motivation justifiant son annulation ;

Mais considérant que l’Autorité rappelle exactement que les restrictions caractérisées – telle celle prévue par l’article 4, sous c, du règlement n° 2790/1999 auquel s’applique la clause en cause (arrêt préjudiciel, deuxième réponse) – sont celles qui ont 'des effets anticoncurrentiels graves, indépendamment de la part de marché des entreprises concernées’ (arrêt préjudiciel, point 52), et que les lignes directrices 2004/C101/08 considèrent que 'les accords ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence sont ceux qui, par nature ont la capacité de le faire. Il s’agit de restrictions qui, au regard des objectifs poursuivis par les règles communautaires de concurrence sont tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur la concurrence, qu’il est inutile aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, (101 § 1, A) de démontrer qu’elles ont des effets concrets sur le marché'(point 21) ;

Considérant que les lignes directrices invoquées par la requérante elle-même (points 11 et 20) rappellent que l’article 101, §3 A n’opère aucune distinction entre les accords ayant pour objet de restreindre la concurrence et les accords ayant pour effet de restreindre la concurrence, que cette disposition s’applique à tous les accords remplissant les quatre conditions qu’elle énonce et que 'la mise en balance des effets anticoncurrentiels et des effets proconcurrentiels s’effectue exclusivement dans le cadre établi par l’article 101, paragraphe 3, A’ ;

Considérant que la société E F, qui se prévaut de l’article 101 , paragraphe 3, A, ne conteste pas qu’il lui appartient de démontrer que les conditions cumulatives et exhaustives posées par cet article sont réunies (Cf article 2 du règlement n°1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002) ;

Qu’elle n’est pas fondée à soutenir que le 'standard’ de la preuve qui lui incombe au titre de l’article 101, paragraphe 3, A serait allégé lorsque l’Autorité de concurrence a établi, par application de l’article 101 paragraphe 1, A, que l’accord en cause a pour objet de restreindre le jeu de la concurrence, étant rappelé que, dans le cadre du paragraphe 1 de l’article 101 A, ce n’est que dans l’hypothèse où la teneur de l’accord ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, qu’il convient d’en examiner les effets (Cf ci-dessus arrêt GlaxoSmithKline) ;

Considérant, par ailleurs, que, contrairement à ce qui est soutenu, la Décision n’est pas entachée d’un vice de motivation dès lors que le Conseil a répondu en s’en expliquant à tous les moyens soulevés devant lui par la société E F à l’appui de sa demande d’exemption individuelle (Cf Décision n° 73 à 83) ; qu’il appartient à la cour d’exercer son contrôle sur cette motivation au regard des contestations élevées par la requérante, étant, en outre, observé que cette dernière dispose devant cette cour de la possibilité, dans l’exercice de ses droits de la défense, de compléter son argumentation en vue de contester la Décision ;

Que les moyens développés par la société E F ne sont pas fondés ;

Sur l’exemption au titre des articles 101, paragraphe 3, A et L.420-4 du code de commerce :

Considérant, sur le second point, que la requérante fait valoir que l’interdiction faite à ses distributeurs agréés de vendre en ligne les produits E F doit bénéficier d’une exemption individuelle car cette pratique remplit les quatre conditions cumulatives de l’article 101 paragraphe 3, A ; qu’elle soutient :

— que les deux premières conditions de ce texte (conditions positives : . la pratique contribue à améliorer la production ou la distribution des produits et à promouvoir le progrès technique et économique, . tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte) – qui, étant en l’espèce indissociables, doivent être examinées ensemble – sont remplies car 'la pratique en cause génère des gains d’efficacité au large bénéfice des consommateurs'; qu’en effet, en garantissant la délivrance au consommateur du meilleur niveau de conseil personnalisé possible, la pratique promeut la concurrence par les services ; qu’en outre la pratique prémunit le consommateur contre l’essor des contrefaçons qu’induit Internet, préservant le consommateur de produits E F contrefaits qui pourraient nuire à sa santé ; que, de plus, la pratique permet d’éviter au sein du réseau les phénomènes de parasitisme qui découlent mécaniquement de la vente en ligne ; qu’elle préserve ainsi tant la concurrence au profit du consommateur que l’existence et la réalité même des critères de sélectivité du réseau ; qu’elle ajoute que le consommateur est au centre de tous ces gains d’efficience et que cette conclusion ne peut être remise en cause par les quelques 'avantages pratiques’ attribués par la Décision à la vente en ligne ;

— que les deux conditions négatives du texte sont également réunies : la 3e condition car l’obtention de ces gains d’efficience ne peut être obtenue sans interdiction de la vente en ligne et ce, en raison, d’une part, de la nature même d’Internet qui interdit le rapport direct entre le diplômé en pharmacie et le consommateur ce dont il résulte nécessairement une dégradation du service de conseil qui doit accompagner la distribution des produits, en raison, d’autre part, du fait que l’accroissement des contrefaçons des produits E F est consubstantiel de la vente en ligne, en raison, enfin, du fait que les problèmes de parasitisme résultent directement de l’autorisation de vente en ligne ; la 4e condition car l’interdiction de la vente en ligne des produits par ses distributeurs agréés n’a pas pour conséquence d’éliminer, même potentiellement, la concurrence, ni intermarques, ni intramarque et aucun effet cumulatif ne peut être retenu ;

Considérant qu’ainsi que rappellent les lignes directrices concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (devenu l’article 101, paragraphe 3, A) du 27 avril 2004 :

— '38. Le reste de ces lignes directrices examine chacune des quatre conditions énoncées à l’article 81, paragraphe 3… Étant donné que ces quatre conditions sont cumulatives…, dès lors qu’il est constaté que l’une d’elles n’est pas remplie, il est inutile d’examiner les trois autres. Il n’est donc pas exclu que, dans certains cas, il soit indiqué d’examiner ces quatre conditions dans un ordre différent.

-39. Aux fins des présentes lignes directrices, il convient d’intervertir la deuxième et la troisième condition et, par conséquent, d’aborder la question du caractère indispensable avant celle de la répercussion sur les consommateurs. L’analyse de cette dernière impose de mettre en balance les effets positifs et négatifs d’un accord sur les consommateurs. Elle ne doit pas porter sur les effets de restrictions qui n’ont pas satisfait au critère de la nature indispensable et qui, pour cette raison, sont interdites par l’article 81.'

Considérant que la requérante ne justifie pas son affirmation (mémoire récapitulatif, page 54) selon laquelle les 'deux conditions positives (1re et 2e conditions de l’article 101, paragraphe, 3) seront examinées ensemble tant elles sont en l’espèce indissociables’ ;

Considérant que, dès lors que l’analyse de la 2e condition – (répercussions sur le consommateur des avantages de la pratique), qui suppose la mise en balance des effets positifs et négatifs de la pratique sur les consommateurs, – ne doit porter que sur les effets des restrictions indispensables pour obtenir les avantages de la pratique, la méthode proposée par la requérante ne peut être retenue ;

Qu’il convient de rechercher si l’interdiction totale et absolue de vente en ligne des produits contractuels par les distributeurs agréés du réseau de distribution sélective E F contribue à améliorer la production ou la distribution des produits et à promouvoir le progrès technique et économique (1re condition) et si les restrictions de concurrence résultant de cette clause contractuelle sont indispensables à la réalisation des gains d’efficacité invoqués (3e condition) ;

Que ce n’est que dans la mesure où il s’avérerait que tel est le cas qu’il conviendrait de vérifier qu’une partie équitable du profit résultant des gains d’efficacité est réservée aux consommateurs (2e condition) en mettant en balance les effets positifs et négatifs de la clause sur les consommateurs ;

Considérant qu’il doit donc préalablement être vérifié :

— si la requérante justifie les gains d’efficacité qu’elle invoque, étant rappelé que seuls les avantages objectifs peuvent être pris en compte, ce qui signifie que les gains d’efficacité ne sont pas appréciés du point de vue subjectif des parties et qu’en outre, doivent pouvoir être vérifiés non seulement cette nature objective des gains d’efficacité allégués mais encore leur lien avec la clause litigieuse et les probabilité, importance et modalités de réalisation de chaque gain (Cf lignes directrices, point 49 et suivants)

— et, dans l’affirmative, si les restrictions de concurrence résultant la clause contractuelle en cause sont indispensables à la réalisation de ces gains d’efficacité ;

Considérant que la requérante met en avant trois gains d’efficacité (garantie de conseil, prévention des contrefaçons et de phénomènes de parasitisme) qu’elle soutient attachés à l’interdiction faite à ses distributeurs agréés de vendre en ligne les produits E F et expose que cette 'interdiction… est tout à fait indispensable à l’obtention des gains d’efficacité…';

Considérant, en premier lieu, que, selon la requérante, 'en garantissant que soit délivré au consommateur le meilleur conseil personnalisé possible par un professionnel diplômé, la pratique résulte, par elle-même, en des gains d’efficacité qualitatifs substantiels au bénéfice direct des consommateurs et encourage ainsi la concurrence en termes de services’ et 'la nature même d’Internet, qui interdit par construction le rapport direct entre le diplômé en pharmacie et le consommateur, résulte nécessairement en une dégradation du service de conseil qui doit accompagner la distribution des produits E F', sans qu’aucune alternative réelle ne puisse se concevoir ; que l’interdiction est donc tout à fait proportionnée ;

Qu’il est soutenu que l’interdiction de vente en ligne préserve l’efficacité des critères qualitatifs de sélection du réseau en garantissant à l’acheteur de produits E F un conseil personnalisé optimal pour choisir et utiliser de façon adéquate un produit technique de haute qualité développé dans une optique de soins, alors que la vente par Internet ne permet ni un conseil fondé sur l’observation directe du client, ni le test des produits avant achat, ni un conseil offert spontanément par le diplômé en pharmacie, étant ajouté, d’une part, que, faute de pouvoir bénéficier de conseil, voire d’une expérience sensorielle, de façon équivalente en ligne, le consommateur sera mécaniquement conduit à privilégier sur Internet des achats de 'répétition’ de produits qu’il a déjà expérimentés, ce dont il résultera une perte de dynamisme du marché au détriment de la concurrence intermarques et un frein à l’innovation, et, d’autre part, que le choix d’une certaine exigence de conseil, choix qui relève de sa liberté commerciale et qui ne peut être critiqué en l’absence de restriction de concurrence, permet au consommateur d’avoir le choix entre ses produits et ceux de tous les autres laboratoires dont les produits sont distribués en ligne ;

Considérant qu’il n’est pas contestable que la distribution des produits E F dans un lieu de vente physique en présence d’un diplômé en pharmacie, prévue par la clause contractuelle en cause, permet d’offrir aux consommateurs un service de conseil personnalisé de qualité ;

Considérant, cependant, qu’après l’apparition d’Internet comme mode de distribution de produits, l’interdiction totale de vente en ligne induite par cette clause, qui prive les consommateurs du libre choix d’un mode d’acquisition des produits, réduit la possibilité pour les distributeurs agréés de vendre les produits contractuels à des clients éloignés géographiquement des points de vente et la faculté pour les clients de comparer les prix, limitant ainsi la concurrence entre les distributeurs; qu’ainsi qu’il a été dit, en ce qu’elle interdit la vente par Internet, cette clause, non exemptée par le règlement du 22 décembre 1999, a un objet anticoncurrentiel ;

Qu’il convient, pour l’application de l’article 101, paragraphe 3, A de vérifier si les restrictions ainsi imposées aux distributeurs agréés sont indispensables pour permettre la délivrance à leurs clients de conseils personnalisés de qualité ;

Considérant qu’à cet égard, les lignes directrices précitées précisent :

'73. En vertu de la troisième condition de l’article 81, paragraphe 3 (article 101, paragraphe 3, A), l’accord restrictif doit s’abstenir d’imposer des restrictions qui ne sont pas indispensables à la réalisation des gains d’efficacité créés par l’accord en cause. Cette condition implique un double critère : d’une part, l’accord restrictif proprement dit doit être raisonnablement nécessaire pour réaliser les gains d’efficacité ; d’autre part, chacune des restrictions de concurrence qui découlent de l’accord doit être raisonnablement nécessaire à la réalisation des gains d’efficacité.'…

'75. Le premier critère contenu dans la troisième condition de l’article 81, paragraphe 3, exige que les gains d’efficacité soient propres à l’accord en cause, autrement dit qu’il n’existe pas d’autre moyen économiquement réalisable et moins restrictif permettant de les réaliser…'

'78. Une fois qu’il est constaté que l’accord en cause est nécessaire pour générer les gains d’efficacité, il convient d’apprécier la nature indispensable de chaque restriction de concurrence résultant de l’accord. Dans ce contexte, il y a lieu d’apprécier si les restrictions individuelles sont raisonnablement nécessaires pour générer les gains d’efficacité. Les parties sont tenues de justifier leur thèse, tant en ce qui concerne la nature de la restriction que son intensité.

79. Une restriction est indispensable si son absence supprimait ou réduisait substantiellement les gains d’efficacité résultant de l’accord ou rendait leur réalisation beaucoup plus improbable. L’appréciation d’autres solutions doit tenir compte de l’amélioration réelle et potentielle apportée à la concurrence par la suppression d’une restriction donnée ou l’application d’une solution moins restrictive. Plus la solution est restrictive, plus le critère de la troisième condition est rigoureux (76). Il est fort peu probable que les restrictions interdites dans les règlements d’exemption par catégorie ou qualifiées de restrictions caractérisées dans les lignes directrices et communications de la Commission soient jugées indispensables.'

Considérant que, si la commercialisation des produits dans un lieu de vente physique permet un service de conseil susceptible d’être offert spontanément par un diplômé en pharmacie et fondé sur l’observation directe du client ainsi que pour les produits qui s’y prêtent, une possibilité d''expérience sensorielle’ avant achat, la requérante n’établit ni qu’une interdiction totale de la vente par Internet serait nécessaire pour que soit délivré au consommateur 'le meilleur conseil personnalisé possible par un professionnel diplômé', ni que l’absence des restrictions résultant de cette interdiction réduirait substantiellement la qualité du service de conseil offert au client ;

Considérant, en effet, qu’ainsi qu’il a été dit, une information de qualité et un conseil personnalisé par un diplômé en pharmacie avant l’achat des produits peuvent être organisés en ligne; qu’aucun élément n’établit qu’un service de conseil délivré sans observation directe du client, serait 'nécessairement’ dégradé alors qu’un site Internet peut être organisé de façon à ce que le client dispose non seulement d’une information complète sur les produits et leur usage adapté – information qui peut être illustrée et que le client potentiel a le loisir d’examiner et de recouper avec celle délivrée sur d’autres produits -, mais encore, ainsi que cela peut être proposé en ligne, de la faculté de poser, via une 'hotline’ par exemple, après le temps de réflexion qui lui convient, des questions à un diplômé en pharmacie et d’obtenir une réponse avant son achat outre, le cas échéant, avec sa commande, des échantillons permettant une 'expérience sensorielle’ de tout produit indépendamment de sa nature ; que, de plus, Internet permet aux clients de comparer les prix des produits, de les commander sans limitation de temps et de lieu et d’en obtenir livraison à domicile;

Qu’il en résulte qu’en interdisant de façon totale et absolue à ses distributeurs agréés de commercialiser sur Internet les produits contractuels, la société Z leur impose des restrictions qui ne sont pas indispensables pour garantir aux consommateurs un service de conseil personnalisé de qualité ;

Considérant, en deuxième lieu, que, selon la requérante, la pratique génère des efficiences qualitatives car elle 'est l’unique rempart contre l’essor des contrefaçons des produits E F résultant directement de leur distribution en ligne et susceptible de mettre en danger la santé des consommateurs'; qu’il est soutenu que grâce à l’interdiction de vente en ligne, le consommateur a la certitude que les produits E F qu’il trouve sur Internet sont vendus en dehors de son réseau de distribution sélective et qu’ils sont donc vraisemblablement contrefaits et qu’autoriser la vente en ligne priverait le consommateur du seul critère clair d’identification des contrefaçons, ce qui, par ricochet, inciterait à la copie massive des produits ;

Considérant que la requérante justifie du fait qu’Internet peut être un vecteur de vente de produits contrefaits ; qu’en outre, le règlement (CE) n° 1223/2009 du 30 novembre 2009 sus-visé considère que : 'Le secteur européen des cosmétiques figure au premier rang des activités industrielles victimes de contrefaçon, ce qui est susceptible d’accroître les risques pour la santé humaine. Les États membres devraient accorder une attention particulière à la mise en oeuvre de la législation communautaire et des mesures horizontales relatives à la contrefaçon des produits cosmétiques, par exemple le règlement (CE) no 1383/2003 du Conseil du22 juillet 2003 concernant l’intervention des autorités douanières à l’égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l’égard de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle et la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle. Les contrôles au sein du marché sont un moyen efficace d’identifier les produits qui ne sont pas conformes aux exigences du présent règlement.'(Considérant 15) ;

Considérant, en revanche, qu’aucun élément n’établit que l’interdiction de vente par Internet des produits E F par les distributeurs agréés serait de nature à éviter un essor des contrefaçons de ces produits et qu’autoriser la distribution en ligne par ces distributeurs conduirait à accroître la contrefaçon ; qu’il n’est pas soutenu que les produits E F feraient l’objet de moins de contrefaçons que les produits qui leur sont concurrents et qui peuvent, à certaines conditions, être vendus en ligne ; qu’il n’est, en outre, pas établi que le consommateur soit informé du fait que les produits E F ne peuvent être vendus en ligne ; qu’il n’est, au surplus, pas contesté que des produits des marques en cause sont, en fait, offerts à la vente en ligne et que la requérante ne peut se borner à affirmer que le consommateur – même à le supposer informé, ce qui n’est pas établi, du fait que les produits E F sont vendus en distribution sélective dans des points de vente physiques – saura qu’il s’agit de produits qui outre le fait qu’ils sont vendus en dehors du réseau Z, seraient vraisemblablement contrefaits ;

Considérant, enfin, qu’ainsi que le relève la Décision (n° 75), dès lors que le fournisseur a la possibilité de réserver à ses propres distributeurs agréés la vente des produits par Internet, il a la faculté de contrôler la qualité des sites de ceux de ses distributeurs qui choisissent d’offrir les produits par Internet et non pas seulement dans leurs points de vente physique ; qu’au vu des déclarations du directeur juridique d’un fabricant concurrent de la requérante indiquant que 'pour répondre à la prolifération d’acteurs incontournables agissant depuis l’extérieur de l’Union européenne, il nous a semblé opportun d’occuper le terrain du commerce en ligne d’une façon plus conforme à nos critères de distribution', il ne peut être exclu que le fournisseur soit ainsi en mesure de combattre plus facilement les ventes sur les sites non autorisés ;

Qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’est pas établi de lien entre la clause litigieuse et la lutte contre l’essor des contrefaçons ; que le gain d’efficacité allégué n’est pas justifié ;

Considérant, en troisième lieu, que, selon la requérante, l’interdiction en cause permet d’éviter les phénomènes de parasitisme résultant de la vente sur Internet ; qu’elle invoque la note d’un Professeur d’économie exposant, notamment, que les officines qui ne disposeront pas d’un site de vente en ligne étant exposées à la concurrence accrue de quelques sites en ligne investiront moins dans la distribution des produits et la fourniture de services de conseil, et ce d’autant plus que les services de conseil à l’achat sont sensibles aux phénomènes de 'parasitage’ résultant du fait que le distributeur qui fournit le service, dont le coût doit être supporté par le prix de vente du produit, n’est pas assuré d’en obtenir le bénéfice car le consommateur peut, après avoir obtenu le conseil, choisir d’acheter ou de renouveler son achat auprès d’un autre distributeur ou sur Internet ; qu’elle ajoute que, si la Décision conteste le terme de 'parasitisme', il n’en demeure pas moins qu’il existe un phénomène de 'passager clandestin', même au sein d’un réseau de revendeurs agréés dès lors que les revendeurs qui n’ont pas les moyens de développer un site assurent le service sans contrepartie ; qu’il en résulte un risque de recul de la distribution de proximité au détriment du libre choix du mode de consommation des clients qui faute de point de vente de proximité ne pourront qu’acheter en ligne ou ne pas acheter et une atteinte à la densité et à la diversité du maillage de la distribution sélective de ses produits préjudiciable à la concurrence ;

Considérant qu’ainsi que le relève la Décision (n° 75 à 77), dans le cadre du système de distribution sélective E F, la présence d’un pharmacien dans les lieux de vente garantit que le service de conseil est dispensé par tous les distributeurs agréés et que chacun en supporte le coût; que la Décision n’impose à la société Z de permettre la vente par Internet qu’aux seuls membres de son réseau de distribution sélective, à savoir ses distributeurs agréés disposant de points de vente physique dans lequel un pharmacien est présent ; qu’il n’est pas imposé à cette société de laisser commercialiser ses produits en ligne par d’autres opérateurs et notamment par des 'pure players';

Considérant qu’il n’en résulte, cependant, pas que tout phénomène de 'parasitage’ au sein du réseau soit exclu ; qu’il apparaît, en effet, possible, comme le soutient la requérante, qu’un consommateur, après s’être fait conseiller dans le point de vente physique d’un distributeur agréé ne disposant pas de site Internet, achète le produit ou renouvelle un achat sur le site Internet d’un autre distributeur agréé ; que si, ce risque existait avant l’arrivée de la distribution en ligne, un consommateur pouvant obtenir un conseil dans un point de vente et acheter dans un autre, il était limité par des contraintes géographiques qui n’existent pas avec la distribution en ligne ; que, toutefois, ce risque de 'passager clandestin’ ne peut qu’avoir une portée limitée si le distributeur agréé disposant d’un site internet auprès duquel est réalisée l’acquisition en ligne est tenu aux mêmes obligations que celui qui a délivré le conseil ;

Considérant que force est, en outre, de constater, d’une part, que l’affirmation de la requérante selon laquelle des 'problèmes de parasitisme… résultent directement de l’autorisation des ventes en ligne’ n’est pas étayée de façon concrète alors que des éléments d’appréciation pourraient être tirés de l’expérience d’autres réseaux de distribution, d’autre part, qu’il n’est pas justifié du fait que le consommateur serait incité à adopter le comportement décrit ; qu’en particulier, il n’est pas soutenu que la distribution en ligne entraîne une baisse des prix de détail des produits en cause susceptible d’inciter le client qui s’est rendu dans un lieu de vente physique à différer son achat pour l’effectuer en ligne, étant, en outre, observé que les délais et coûts de livraison de tels produits acquis sur Internet pourraient être de nature à freiner des achats en ligne ;

Considérant, enfin, que la requérante ne peut déduire d’hypothèses non vérifiées relatives à un 'risque de parasitisme’ l’existence 'd’un risque de recul de la distribution de proximité au détriment du libre choix du mode de consommation des clients', étant, au surplus observé, d’une part, que nonobstant l’importance du réseau de distribution sélective de la société Z, la vente par Internet constitue une forme de commerce de proximité pour certains consommateurs, et d’autre part et surtout, que 'le libre mode de consommation des clients’ implique qu’ils aient la possibilité de choisir de se rendre en magasin ou d’effectuer leurs achats sans déplacement ;

Considérant, par conséquent, que le gain d’efficacité allégué n’est pas établi ; que ce n’est donc qu’au surplus qu’il est observé que les restrictions résultant de la pratique en cause n’apparaissent pas indispensables pour éviter des phénomènes de 'parasitage’ entre distributeurs dont ni le principe ni a fortiori l’ampleur ne sont justifiés, et qui, à les supposer établis, pourraient être mis en échec par des conditions qui pourraient être imposées par le fabricant à ses distributeurs;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que deux des conditions posées par le texte invoqué n’étant pas remplies, il convient, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres conditions et moyens développés sur ces points, de dire que la pratique en cause n’est pas susceptible d’une exemption individuelle ;

Sur l’envoi d’un résumé de la Décision :

Considérant que, si aucun moyen n’est présenté sur la sanction prononcée par la Décision, la requérante critique le résumé figurant au n° 97 de la Décision et prie la cour de la relever de l’envoi de ce résumé prévu à l’article 4 de la Décision ;

Considérant que le résumé litigieux est destiné à être joint à la lettre recommandée avec accusé de réception que devra adresser la société Z à l’ensemble de ses points de vente afin de leur annoncer les modifications apportées à leurs contrats de distribution sélective décrites à l’article 3 de la Décision ; que l’information et une explication apportées aux distributeurs étant nécessaires, il n’y a pas lieu d’exclure l’envoi d’un résumé de la Décision ;

Considérant, cependant, que, compte tenu de l’évolution du dossier et des réponses apportées par la CJUE aux questions préjudicielles posées par la cour, il convient d’actualiser le résumé figurant au n° 97 de la Décision ; que ledit résumé sera ainsi rédigé :

'Par décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008, le Conseil de la concurrence a estimé que la société E F S-T, en imposant à l’ensemble de ses distributeurs agréés des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle de marques Klorane, Avène, Ducray et Y, une interdiction de vente par Internet, figurant dans ses conditions générales de distribution et de vente, a limité la liberté commerciale de ceux-ci en les privant d’un mode de commercialisation au fort potentiel de croissance et a indûment restreint le choix des consommateurs désireux de se procurer les produits par ce mode de distribution. Il a retenu que cette pratique constitue une restriction de concurrence contraire aux articles 81 §1 du traité (devenu l’article 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) et L. 420-1 du code de commerce et que la société E F S-T ne peut justifier sa pratique au regard des articles 81§3 du traité (devenu l’article 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) et L. 420-4 du code de commerce dès lors que les critères de sélection du système de distribution sélective définis par E F peuvent être adaptés aux sites Internet. Le Conseil de la concurrence a, par conséquent, enjoint à la société E F S-T de modifier ses contrats afin d’autoriser désormais la vente, par les distributeurs agréés, de ses produits par Internet.

Saisie par la société E F S-T d’un recours contre la décision du Conseil de la concurrence, la cour d’appel de Paris a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne qui a répondu par arrêt du 13 octobre 2011.

Par arrêt du 31 janvier 2013, la cour d’appel de Paris, qui a fait application de la grille d’analyse définie par la Cour de justice de l’Union européenne pour caractériser l’objet anticoncurrentiel de la pratique, a rejeté le recours de la société E F S-T contre la décision n° 08-D-25 du Conseil de la concurrence du 29 octobre 2008.

Le texte intégral des décisions du Conseil de la concurrence, devenu l’Autorité de la concurrence, de la Cour de justice de l’Union européenne et de la cour d’appel de Paris est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr » '

PAR CES MOTIFS

Rejette le recours formé par la société E F S-T contre la décision n° 08-D-25 du Conseil de la concurrence du 29 octobre 2008, sauf en ce qu’il porte sur la rédaction du résumé prévu par l’article 4 de cette décision ;

La réformant sur ce seul point :

Dit que le résumé prévu par l’article 4 de la décision du Conseil de la concurrence sera rédigé dans les termes indiqués par le présent arrêt ;

Condamne la société E F S-T aux dépens ;

Vu l’article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du greffe de la cour d’appel de Paris, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l’Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l’économie ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Benoit TRUET-CALLU Christian REMENIERAS

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Cour d'appel de Paris, 31 janvier 2013